Article N° 3171

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Pharmacien d’officine : une profession à risques

Zitouni Imounachen, docteur en Pharmacie - 20 avril 2014 17:03

Braquages, agressions verbales et physiques, parfois violentes : les problèmes d'insécurité sont de plus en plus fréquents dans nos pharmacies. Il suffit de regarder les rubriques faits divers des différents journaux ou de jeter un coup d'½il sur les forums de pharmaciens pour avoir froid dans le dos, tellement les séquelles de certaines agressions sont graves.

Quelles sont les causes à l'origine de ces agressions? Si une partie de ces actes de violence peut être considérée comme faisant partie d'actes de pure incivilité, dans la majorité des cas, ces agressions sont en rapport avec l'exercice pharmaceutique lui même. En effet, dans leur pratique quotidienne, plusieurs confrères sont victimes de violences qui peuvent aller de la simple réprimande jusqu'à l'agression à l'arme blanche, et ce pour la pure et simple raison que le pharmacien refuse la délivrance de produits psychotropes ou autres médicaments nécessitant une prescription médicale. En d'autres termes, le pharmacien d'officine est sanctionné parce qu'il veut exercer son métier de manière professionnelle, éthique et responsable. Ces phénomènes sont évidemment amplifiés pendant les périodes de garde, vu l'augmentation du nombre de patients.

C'est vrai que l'insécurité et le sentiment d'insécurité ne sont pas l'apanage des pharmaciens d'officine seuls, car il s'agit bien d'un phénomène de société. D'ailleurs, le phénomène de « Tcharmil » qui sévit ces derniers temps au Maroc, n'est qu'une des facettes de cette violence qui devient tellement ordinaire que les malfrats osent exhiber leurs photos et les prises de leurs agressions sur les réseaux sociaux. Heureusement, face à cette recrudescence de la violence, les autorités ont réagi de manière forte et efficace, et on s'en félicite tout en espérant l'adoption d'une approche pérenne de lutte contre l'insécurité.

En France, dans les quartiers dits sensibles, les patients désirant s'adresser à la pharmacie de garde après 21h doivent d'abord téléphoner au commissariat de police ou à la gendarmerie en utilisant un numéro mis en place spécialement à cet effet, et communiquer leurs noms et leurs numéros de téléphone. Les policiers transmettent ensuite ces coordonnées au pharmacien qui rappellera lui-même le détenteur de l'ordonnance avant de le recevoir. Aussi, un protocole d'accord a été signé entre l'ordre des pharmaciens, le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice et le ministère de la santé afin d'améliorer la sécurité des professionnels de santé et renforcer la coopération et la coordination entre ces derniers et les représentants de l'État, concernés par les questions d'insécurité.

Bien entendu, les pharmaciens d'officine marocains sont réalistes et pragmatiques et n'en attendent pas autant, surtout en l'absence d'un conseil de l'ordre, mais ils osent espérer, ne serait ce qu'une réflexion sur le sujet, car il en va de leur sécurité et celle de leurs collaborateurs. En attendant, les pharmaciens d'officine ne doivent compter que sur eux-mêmes pour se prémunir contre ces agressions, et ce en adoptant les règles de précaution de base, notamment en optant pour l'installation de la vidéosurveillance, qui bien mise en évidence, réussit souvent à refroidir les ardeurs des délinquants et malfrats.

Enfin, pour tous ceux qui s'amusent à comparer le pharmacien d'officine à un simple commerçant et qui se posent la question quant à la différence entre les deux, on peut leur répondre que malgré leurs difficultés économiques, ces professionnels de santé n'hésitent pas un instant à refuser des ventes au péril de leur vie et ce pour protéger le patient, son entourage et la société toute entière. A tous ces détracteurs, on a tout simplement envie de leur dire : c'est cela qui distingue le pharmacien du simple commerçant !

Zitouni ImounachenDocteur en pharmacie

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Source : Pharmanews 236