Article N° 3134
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France : l'Académie de médecine monte le ton contre le cannabis
Imounachen Zitouni, Docteur en pharmacie - 27 mars 2014 19:07L'Académie de médecine a pris mardi une position très forte dans le débat sur le cannabis en demandant que la lutte contre sa consommation soit érigée «au rang de cause nationale» et que des campagnes d'information soient menées. Ils estiment en effet que les mesures prises par les autorités sont très en deçà de ce qu'il conviendrait de faire.
À l'hôpital Robert-Debré (Paris), le Pr Richard Delorme, pédopsychiatre, confirme avoir observé une «une accélération de la consommation de cannabis depuis 2005-2006 à mettre en parallèle avec une baisse de la représentation de gravité de celle-ci». Cette situation fait bondir le Pr Jean-Pierre Olié, professeur de psychiatrie (université Paris-Descartes): «Les progrès de la connaissance ne sont absolument pas rassurants pour cette drogue encore trop souvent perçue comme récréative.»
Les raisons de se méfier du cannabis et de ses dérivés, les cannabinoïdes de synthèse, sont en effet nombreuses. «De toutes les drogues, le THC (principe actif du cannabis) est la seule à se stocker durablement dans l'organisme, en particulier dans le cerveau, explique le Pr Costentin, et les consommateurs réguliers se retrouvent en permanence sous l'influence du cannabis.»
En outre, le THC stocké dans le cerveau se libérant pendant plusieurs jours, les récepteurs CB1 (au cannabis) se trouvent stimulés en permanence et leur sensibilité se réduit. Une diminution d'effet qui incite le consommateur à augmenter les doses. «Or un joint, c'est une semaine dans la tête, rappelle le Pr Costentin. Plusieurs joints, c'est des semaines, voire des mois dans le cerveau et les masses adipeuses.» Voilà pourquoi les endocannabinoïdes, équivalents en moins puissant du THC, qui sont fabriqués naturellement par l'organisme deviennent inactifs. Ils ne sont pas de taille à rivaliser avec le cannabis. «Le THC, loin de mimer les effets naturels des endocannabinoïdes, les caricature», résume le pharmacologue.
De plus, le cannabis est aujourd'hui plus puissant qu'hier. «Les produits disponibles sont quatre fois plus concentrés en THC qu'il y a vingt ans», explique le Pr Jean-Pierre Goullé, professeur de toxicologie (université de Rouen). Plus inquiétant encore, l'arrivée de nouveaux produits prisés des jeunes.
«Le THC induit des troubles de l'attention, de la mémoire et des fonctions exécutives (capacité à planifier, faire preuve de flexibilité, anticiper, etc., NDLR)», souligne le Dr Alain Dervaux, du service d'addictologie de l'hôpital Sainte-Anne (Paris). «Le risque de schizophrénie existe (multiplié par deux), en particulier chez des sujets prédisposés, pour ceux qui débutent avant 15 ans et pour les gros consommateurs», ajoute-t-il.
Source : http://sante.lefigaro.fr