Article N° 3108
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Pourrait-on prédire le risque de mourir par une analyse du sang ?
Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 12 mars 2014 12:14Selon une étude parue dans PlosMedicine, une analyse de sang suffirait à prédire votre risque de mourir dans les années qui viennent.
Au départ, une équipe de l'université de Tartu (Estonie) a dosé, sur 9842 adultes, 106 biomarqueurs, ces molécules contenues dans le sang, les fluides corporels ou les tissus, d'ordinaire utilisés pour aider au diagnostic ou surveiller la réponse à un traitement. Ils ont découvert que lorsque les taux de quatre d'entre eux (albumine, orosomucoïde, citrate et lipoprotéine de très basse densité) se situaient dans la «zone rouge», le risque de mourir dans les cinq ans était 19 fois plus élevé que pour ceux présentant les meilleurs résultats.
Surpris de leurs résultats, ils ont demandé à une équipe finlandaise de refaire l'expérience sur une autre cohorte de 7503 individus. Conclusion: ces quatre biomarqueurs permettaient effectivement d'améliorer la prédiction de décès à cinq ans. «C'était un résultat assez extraordinaire, s'est réjoui le Pr Markus Perola, de l'université d'Helsinki. Au départ, nous n'y croyions pas vraiment.»
Néanmoins, l'étude souffre de plusieurs limites, avouent les chercheurs. Notamment le fait que les deux cohortes étudiées sont composées d'individus du même groupe ethnique et aux modes de vie semblables, et qu'il faudrait donc les confirmer sur d'autres populations.
L'albumine est une protéine essentielle, qui participe à la fabrication des muscles et amène les nutriments vers les tissus. L'orosomucoïde, ou alpha-1-glycoprotéine, est un indice de l'inflammation. Les lipoprotéines transportent le cholestérol, et celles de basse densité sont spécialisées dans le cholestérol dit «mauvais». Le citrate joue un rôle dans la façon dont notre corps «brûle» du carburant pour fonctionner.
Non seulement ces marqueurs sont identifiés de longue date mais d'autres facteurs prédisent bien mieux le risque de décès. Or, décrypte le Pr Jacques Blacher, épidémiologiste et cardiologue à l'Hôtel-Dieu, les chercheurs estoniens n'ont pris en compte que très peu d'entre eux (âge, sexe, fait d'être fumeur ou non et quelques antécédents médicaux); quant à leurs confrères finlandais, ils ont pris en compte bien plus de variables d'ajustement, mais celles-ci prédisaient déjà bien le risque de décès. «En ajoutant les biomarqueurs, on améliore un peu les prédictions, mais pas de beaucoup», note Jacques Blacher. Surtout, «surveiller un marqueur n'a d'intérêt que si cela génère un traitement qui améliore la survie», dit Fabrice André.
Ces biomarqueurs, sourit l'épidémiologiste, donnent en somme autant d'informations que des rides sur le visage d'un nonagénaire: ce dernier mourra probablement avant son voisin moins âgé. Mais lui injecter du Botox ne reculera pas l'heure de sa mort...
Source : http://sante.lefigaro.fr