Article N° 3082

Archives

Médecins légistes: un statut encore trop flou

Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 27 février 2014 13:01

Un rapport accablant du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), datant de juillet 2013, établit un constat morbide d'une étape indéboulonnable des procédures civile et pénale. Principale défaillance: une répartition inégale des experts au niveau national trahit une inégalité flagrante entre les régions en matière de disponibilité des médecins légistes et de leurs conditions de travail. Une porte ouverte aux procès «bâclés».

Le ministère de la Justice et des libertés a mis en place l'avant-projet de loi «visant à réglementer la profession de médecin légiste». Déposé au Secrétariat général du gouvernement le 19 février 2014, le texte vise à «poser un cadre légal complet» de l'activité médico-légale, et ce en «désignant les services médicaux aptes à la pratiquer, leurs attributions et leurs obligations».

L'article 64 du code de procédure pénale permet à l'officier de la police judiciaire de «faire appel à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations qui ne peuvent être différées». C'est à ce moment que les médecins peuvent être requis pour établir des constats de décès ou des certificats médico-légaux pour des victimes de violences physiques et/ou sexuelles, ou pour tout autre acte médico-légal urgent sur une personne. Dans le cas de la découverte d'un cadavre dont la cause de la mort est inconnue, l'article 77 du code de procédure pénale exige de l'officier qui en est avisé d'informer immédiatement le parquet pour venir sans délai sur les lieux et procéder aux premières constatations. C'est le ministère qui juge nécessaire (ou pas) la désignation d'un médecin légiste.

En matière civile, l'encadrement juridique se trouve dans les articles 55 et plus du code de procédure civile. Sauf cas exceptionnel, l'expert est habituellement choisi parmi les médecins inscrits au tableau des experts. Quant au code déontologique de la médecine, l'article 8 de celui-ci interdit aux praticiens «d'établir un rapport tendancieux ou de délivrer un certificat de complaisance. L'article 50 défend au médecin d'accepter une mission d'expertise dans laquelle les intérêts d'un de ses clients, d'un de ses amis, d'un de ses proches ou ses propres intérêts sont en jeu, sauf accord des parties».

Seulement, derrière cette législation qui a déjà le mérite d'exister, la dure réalité de son application nous rattrape. «Situation unique: aucun médecin légiste n'est inscrit au tableau des experts» comme l'exige le code de procédure civile, préciseHicham Benyaich, professeur agrégé de médecine légale et médecin chef de l'Institut médico-légal du CHU Ibn Rochd à Casablanca. Ce dernier explique qu'«il y a une absence critique de structures et de prestataires de servicesindividualisés comme les locaux des urgences. Une première difficulté pour la police judiciaire de trouver à la fois un médecin disponible et compétent pour un acte médico-légal, et une seconde pour le parquet de connaître le nom du médecin qui effectuera l'autopsie». Des contraintes qui trouvent leurs sources d'abord par la rareté des ressources humaines: «A ce jour, il y a seulement13 médecins légistes formés dont 2 professeurs assistants etun professeur agrégé», déplorait-on lors des résultats du 5e colloque du dialogue régional sur la Justice».

Source : http://www.leconomiste.com