Article N° 3044

Archives

Les professions libérales orphelines de couverture médicale

Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 03 février 2014 08:27

Mohammed a 55 ans et exerce une profession libérale. Il a travaillé toute sa vie durant pour pouvoir offrir à ses enfants ce que la vie ne lui a pas offert: vivre leur enfance sans se soucier des aléas de la vie.

Tout l'argent qu'il a pu économiser au prix de grandes privations et de divers sacrifices, était réservé pour la scolarité des ses enfants.

Mais comme la vie n'est pas un long fleuve tranquille, il suffit d'un instant pour qu'elle bascule. C'est ce qui est arrivé à Mohammed. Une visite médicale, quelques analyses. Un silence strident, un air désolé du médecin et un verdict qui tombe comme un couperet : Mohammed a un cancer

A peine le temps de sortir de la torpeur où la terrible annonce l'a plongée, que Mohammed s'est retrouvé face à un terrible dilemme: sacrifier toutes ses économies pour vivre quelques années de plus, ou mettre ses enfant à l'abris du besoin. En effet, Mohammed fait partie des millions de marocains qui sont injustement exclus de la couverture médicale de base. Ils sont pharmaciens, médecins, infirmiers, opticiens, architectes, etc...ils font partie des forces vives de la nation, ils paient leurs impôts, ils sont entreprenants, ils créent des emplois et participent activement à rendre notre pays meilleur, mais ils n'ont pas le droit à une couverture médicale comme leurs concitoyens.

A l'occasion de la journée mondiale du cancer, célébrée le 27 janvier de chaque année, nous ne pouvons omettre de rappeler la situation ubuesque de tous ces marocains, qui face aux maladies lourdes se retrouvent démunis, vulnérables et seuls.

Alors qu'ils ont travaillé toute leur vie pour vivre et mourir dignement, certains parmi eux se voient obligés de faire la quête pour pouvoir se soigner. Quelle humiliation !

Le Maroc a mis en place le Plan National de Prévention et de Contrôle du Cancer (2010-2019) à l'échelle nationale. Ce plan résultant d'un partenariat entre la Fondation Lalla Salma Prévention et traitement des cancers et le ministère de la santé, vise à prévenir et à contrôler les cancers à travers une approche multisectorielle.

De grands progrès ont été réalisés dans la lutte contre le cancer et un grand nombre de malades sont aujourd'hui convenablement pris en charge. Seulement pour pouvoir en profiter pleinement, il faut bénéficier d'une couverture médicale. Ce qui n'est pas le cas de millions de marocains. Or, que vaut le progrès s'il n'est pas partagé par tous les citoyens?

Aujourd'hui, faute de moyens, une couverture médicale générale et permettant des prestations de grande qualité relève du fantasme. Néanmoins, toute société qui se respecte doit veiller à ce que ses citoyens atteints de maladies lourdes puissent faire face aux soins les plus onéreux. Car, personne ne mérite le supplice d'avoir à choisir, un jour, entre l'avenir de sa famille et son traitement.

Mohammed, quant à lui, et après avoir mûrement réfléchi, a pris sa décision.

Sur le chemin qui l'amène chez lui, il a pris son dossier médical, l'a feuilleté une dernière fois avant de le déchirer. Arrivé à la maison, il n'a rien changé à ses habitudes. Il a pris part aux discussions familiales au cours du dîner, il a accompagné ses enfants dans leur chambre et leur a raconté une histoire drôle, tout en arborant son éternel sourire.

Faute d'alternatives préservant son honneur et sa dignité, Mohammed a choisi de se sacrifier pour donner une chance à ses enfants.

Le ministre de la santé, Pr El Houssaine Louardi, a montré qu'il était un homme d'action et de conviction. Ses actions ont souvent été animées par une profonde volonté de justice sociale. Nous ne pouvons que l'exhorter pour qu'il continue à déployer ses effort pour éviter le sort de Mohammed à des millions de marocains...

Pharmanews 225

Source : Pharmanews 225