Article N° 3034

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Les antipyrétiques amplifient les épidémies de grippe

Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 24 janvier 2014 18:02

Une étude canadienne parue mercredi dans Proceedings of the Royal Society B a révélé que la prescription systématique des antipyrétiques pour les patients grippés pourrait favoriser la propagation de la maladie à l'échelle d'une population.

De précédentes études avaient montré que le furet (le meilleur modèle animal pour la grippe humaine) expulsait plus de particules virales lorsqu'on lui administrait des antipyrétiques. En intégrant cette augmentation de l'excrétion virale sous traitement antifièvre dans les modèles de contagion, les scientifiques canadiens ont constaté que cela induisait une hausse de 5 % du nombre de cas pour la grippe saisonnière. Il s'agit probablement d'une estimation basse puisque les chercheurs ne sont pas en mesure de tenir compte de deux autres effets: l'allongement de la durée de contagiosité (difficile à modéliser car très dépendante de l'âge) et la propension des patients à sortir de chez eux lorsqu'ils sont soulagés de leur ­fièvre.

Faut-il pour autant arrêter de prescrire ces molécules en cas de grippe? «Les patients ne sont pas égaux devant la fièvre, rappelle Anne Monnier, médecin épidémiologiste et coordinatrice nationale du réseau des Groupes régionaux d'observation de la grippe (Grog). Certaines personnes ont l'impression de mourir à 38,2 °C, d'autres vont au travail sans problème avec 39 °C. Il faut faire du cas par cas. Cette étude pousse néanmoins à une consommation et une prescription moins automatiques de ces médicaments.»

Les pédiatres ont anticipé ce phénomène. Après avoir renoncé à l'aspirine et à l'ibuprofène, potentiellement nocifs chez les enfants, ils renoncent désormais peu à peu à délivrer du paracétamol pour traiter des fièvres peu intenses et peu incommodantes. Une manière de reconnaître que la fièvre joue un rôle bénéfique, quoique mal compris, dans la réponse immunitaire. Il ne faut pas banaliser la fièvre pour autant: cela reste un symptôme important de certaines maladies graves nécessitant une prise en charge rapide (comme certains cas de grippes malignes).

Source : http://sante.lefigaro.fr