Article N° 2949

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TRAÇABILITÉ, ULTIME REMPART CONTRE LA FALSIFICATION DES MÉDICAMENTS

Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie - 08 décembre 2013 08:14

Marisol Touraine, ministre des Affaires Sociales et de la Santé (France), s'est adressée aux pharmaciens participants à la 26ème Journée de l'Ordre pour leur rappeler qu'elle n'est pas favorable à l'ouverture du monopole pharmaceutique. La ministre a également annoncé qu'elle est pour la tolérance zéro en ce qui concerne la contrefaçon des médicaments.

Cet engagement de Marisol Touraine est une réponse aux inquiétudes grandissantes des professionnels de santé et des opérateurs du secteur du médicament vis à vis de la contrefaçon et ses conséquences.

L'Europe qui se sentait à l'abri de ce fléau, se rend compte de sa vulnérabilité face à ce phénomène qui prend de plus en plus d'ampleur.

Contrairement à certains pays où les étalages de médicaments falsifiés jonchent les rues, dans les pays occidentaux l'étalage est plutôt virtuel. En effet, 6 milliards de spams de produits pharmaceutiques ont été envoyés chaque jour dans le monde en 2012, sans compter tous ces sites web proposant la plupart des familles thérapeutiques des médicaments à des prix défiants toute concurrence.

Selon une déclaration faite au quotidien Les Echos du 17 novembre 2013 par Gaëtan Rudant, directeur de l'inspection à l'ANSM (1): "On estime que, sur Internet, 6 médicaments sur 10 ne contiennent pas ce qui est attendu, avec des problèmes de sous qualité plus ou moins graves, et 3 médicaments sur 10 ressemblent à la version originale légale mais présentant un problème de notice, donc d'information"

Selon le LEEM (2), 1 médicament vendu sur 10 dans le monde est contrefait. Dans certains pays d'Afrique ce chiffre peut atteindre les 70%, voire plus. Les experts de l'OMS (3) estiment que sur le million de décès annuels dus au paludisme, 200000 pourraient être évités si les malades prenaient des médicaments de bonne qualité.

Le plus souvent, ces trafiques dont le chiffre d'affaires a étéestimé à75 milliards de dollars en 2010, se cantonnent généralement au marché parallèle, mais l'ingéniosité des trafiquants et la corruption à différentes échelles permettent à ces criminels d'un autre genre d'infiltrer les circuits de distribution légaux et de se retrouver dans des hôpitaux où dans des pharmacies de vente en ligne officielles. A l'image du français qui a pu écouler en 2007, 4 tonnes de médicaments contrefaits dans différentes pharmacies en Grande Bretagne, en Belgique et en Allemagne.

La forte rentabilité de ces trafics aiguise les appétits des trafiquants. Dix mille dollars investis dans le trafic d'héroïne rapporte vingt mille dollars. La même somme investie dans les médicaments rapporterait deux cent mille dollars, voire cinq cent mille dollars en cas de trafics de blockbuster (soit 25 fois plus). Paradoxalement et malgré les graves risques encourus par les usagers des médicaments, les peines prévues pour ces trafiquants restent insuffisantes en comparaison avec celles prévues pour les trafiquants de stupéfiants par exemple. C'est ce qui a poussé le Conseil de l'Europe à élaborer la convention internationale Médicrime (4). Celle-ci constitue un instrument juridique contraignant dans le domaine du droit pénal puisqu'elle criminalise la contrefaçon mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité. Cette démarche inédite ne peut malheureusement avoir l'effet escompté que s'il y a une adhésion massive des différents pays.

Le Maroc, tel que l'a rappelé M. Abdelmoumen Mahli, directeur du laboratoire national de contrôle du médicament lors des derniers travaux de la Conférence pour la promotion de la Convention "Médicrime" qui a eu lieu à Madrid, est signataire de cette convention. En attendant l'adoption d'une législation spécifique pour se conformer aux exigences de cette convention internationale, les rares cas de contrefaçon de médicaments enregistrés dans le Royaume ont fait l'objet de poursuites et de condamnations en vertu de la législation générale contre la fraude.

En dehors de l'oriental et certaines villes frontalières du nord, le Maroc est relativement épargné par ce phénomène si on le compare aux pays voisins. Ceci dit, et eu égard à l'explosion d'Internet et à la dérégulation qui commence à pointer du nez, tous les opérateurs du secteur et l'administration devraient conjuguer leurs efforts pour sécuriser au maximum les circuits de distribution du médicament.Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie

Consulter pharmanews 117: lien

1 ANSM2 LEEM3 OMS4 CONVENTION MEDICRIME: lien

Source : Pharmanews 217