Article N° 2918
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Quand les cubains ciblent les biothérapies
EDITORIAL DE PHARMANEWS N° 215 - 24 novembre 2013 07:00À Cuba, le cancer constitue la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires. Le nombre de cas de cancer diagnostiqués annuellement avoisine 31000 (1) et chaque année cette maladie fait 21000 (1) victimes. Cette prévalence élevée s'explique en grande partie par la surconsommation d'alcool et du tabac chez une population de plus en plus vieillissante. Les cancers les plus courants à Cuba sont ceux du poumon et de la prostate chez l'homme et ceux du col de l'utérus et du sein chez la femme.
À l'instar d'autres nations, Cuba a adopté un plan national de lutte contre le cancer en suivant les recommandations de l'OMS. Ce pays, appelé jadis Île aux pins, a fait des soins primaires sa pierre angulaire puisque les patients bénéficient de visites médicales régulières permettant de détecter précocement tout problème de santé. Ceux d'entre eux chez qui on suspecte un cancer, sont systématiquement orientés vers des centres dédiés à cette maladie pour confirmer le diagnostic, et si besoin est, les thérapies appropriées leur sont prodiguées.
Ce qui caractérise ce pays d'Amérique centrale, ce sont les efforts exceptionnels déployés pour développer la biotechnologie, et ce en dépit d'une situation économique qui ne le prédispose guère à ce choix. En effet, le gouvernement cubain a investi massivement dans ce domaine, ce qui a permis aux scientifiques cubains de faire des progrès considérables dans la recherche de nouvelles thérapies anti cancéreuses et des outils permettant d'améliorer le diagnostic et la prévention de cette maladie.
En 2008, par exemple, le ministre de la santé cubain a homologué un premier vaccin thérapeutique contre les formes avancées de cancer du poumon. Ce vaccin a été mis au point par le Centre d'immunologie moléculaire (CIM) de La Havane. Ce pôle d'excellence a aussi mis au point le nimotuzumab, anticorps monoclonal qui peut s'avérer très précieux dans la prise en charge de patients soufrant de tumeur arrivée à un stade avancé. Ce médicament fait actuellement l'objet d'essais cliniques au Japon et en Europe. Par ailleurs, les chercheurs cubains qui ont trouvé un deuxième vaccin contre le cancer du poumon en 2013, se penchent sur un projet de vaccin contre la dengue, des vaccins préventifs et thérapeutiques contre le Sida, contre le cholera et un vaccin thérapeutique contre le cancer.
Ces résultats ne sont pas le fruit du hasard mais plutôt d'un engagement politique et financier du gouvernement cubain, y compris durant les périodes de vaches maigres. L'investissement d'un milliard de dollars dans la recherche et développement en biotechnologie qui s'est étalé sur une vingtaine d'années, n'a pas été vain puisque les cubains détiennent aujourd'hui 1200 brevets internationaux dont 400 en biotechnologie. Ils commercialisent des produits pharmaceutiques et des vaccins dans 50 pays leur permettant de générer plusieurs centaines de millions de dollars de recette par an avec une progression constante.
L'expérience de ce pays comme celles d'autres pays d'Amérique latine en matière de biotechnologie méritent qu'on s'y intéresse de très près. Car on peut se demander si le Maroc, qui a réussi à développer une industrie pharmaceutique souvent qualifiée de " fleuron de l'industrie nationale", est aujourd'hui capable de soutenir la recherche et réussir le défi de la biotechnologie.Ce n'est qu'en faisant de la sorte, qu'il permettra à notre industrie de ne pas dépérir en raison de l'étroitesse du marché local et d'un positionnement qui pourrait la desservir.Consulter PHARMANEWS N°215: lien
(1) données de l'OMS
Source : Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie