Article N° 2872

Archives

Ces souris insensibles au venin de scorpion

Pharmacies.ma - 28 octobre 2013 18:56

Une petite souris des déserts de l'Arizona, dite souris sauterelle, mais aussi souris scorpion (Onychomys torridus) est la seule à résister au redoutable venin neurotoxique du scorpion écorce (Centruroides sculpturatus), dont la piqûre est l'une des plus douloureuses du monde, pouvant entraîner la mort. Qui plus est, la souris scorpion se fait un régal de ce petit arachnide brun clair de quelque 7 cm de long.

Dans leurs travaux publiés dans la revue Science du 25 octobre, Ashlee Rowe, neurobiologiste à l'université du Texas, à Austin, et son équipe ont commencé par comparer les réactions de souris de l'Arizona à celles de souris communes. Pas de doute possible, les premières étaient clairement «immunisées» contre les injections de venin, ne montrant aucun signe de «brûlure» contrairement aux autres.

S'agissait-il d'une insensibilité générale aux douleurs? Lorsqu'on a injecté de la formaline (cousine du formol) à ces deux groupes de souris, elles ont toutes deux eu des réactions de douleur (un peu moins chez les souris scorpions). Et lorsqu'on leur a injecté une solution d'eau salée, ces dernières ont un peu plus réagi que les souris «normales», réagissant même plus qu'à l'injection du venin. Les chercheurs sont alors descendus au niveau moléculaire. On sait qu'il existe dans les membranes des neurones, de petits canaux transmembranaires, fonctionnant grâce au sodium, spécifiques aux messages de la douleur. Ils s'ouvrent ou se ferment en fonction des circonstances. Ainsi, s'ils s'ouvrent, un signal électrique naît et se propage dans le système nerveux. S'il reste fermé, il n'y a pas de message de douleur.

Les chercheurs on pu identifier précisément quel canal était impliqué dans l'«immunité» au venin. Et, là, nouvelle surprise. Ce n'est pas directement le canal chargé d'envoyer le message de la douleur qui était impliqué, mais, pour simplifier, celui qui est chargé de détecter une cause de douleur et de la neutraliser. Ainsi, la toxine est piégée et devient inefficace. Les chercheurs ont même cartographié les protéines-pièges en question afin de voir quels étaient leurs «dessins» et les différences d'avec ceux de la souris commune.

«Ce qui est enthousiasmant dans ces travaux, pour un médecin clinicien comme moi, explique le Dr Nicolas Danziger, spécialiste de la douleur à la Pitié-Salpétrière (Paris), c'est qu'il donne un nouvel angle de vue sur la question de la douleur. Ces travaux ouvrent une fascinante nouvelle porte en enrichissant le spectre des cibles thérapeutiques potentielles. On a l'impression d'être un peu devant une mine d'or. Il y a là comme un antalgique naturel.»

Source : www.lefigaro.fr