Article N° 2841
Archives
Les risques obligatoires des anticoagulants
Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 10 octobre 2013 17:48Les anticoagulants sont donnés aux patients qui sont exposés à un risque accru de former des caillots pouvant migrer vers les poumons (causant une embolie pulmonaire) ou le cerveau (accident vasculaire cérébral). C'est le cas en particulier des 550.000 Français qui ont une maladie appelée «fibrillation auriculaire» (contractions désordonnées d'une partie du c½ur) et doivent en prendre quotidiennement.
Seulement, les familles de quatre patients décédés à la suite d'une hémorragie alors qu'ils étaient traités par un anticoagulant, Pradaxa, ont décidé de porter plainte contre son fabricant, le laboratoire Boehringer Ingelheim, et l'agence du médicament (ANSM) qui l'a autorisé.
Aujourd'hui, les autorités de santé craignent surtout la panique du public. «Nous redoutons des arrêts intempestifs qui conduiraient à des accidents thrombotiques mettant en jeu le pronostic vital ou laissant des séquelles», explique le Dr Lotfi Boudali, chef du pôle cardiovasculaire de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Autre crainte soulevée par le Pr Gilles Bouvenot, président de la commission de transparence de la Haute Autorité de santé, «comme il s'agit de nouveaux médicaments, la pression marketing des firmes sur les médecins est forte et il y a un risque de dérive concernant les contre-indications et les précautions d'emploi». La justice devra désormais dire si les conditions de prescription ont bien été respectées. «L'ANSM s'associe à la douleur des familles», dit le Dr Lotfi.
Mais l'agence rappelle aussi que «le message à la population est que le rapport bénéfice/risque des anticoagulants, dont le Pradaxa, demeure favorable sous réserve du respect du bon usage de ces médicaments». Me Courtois, avocat des familles des victimes conteste pourtant la pertinence du choix du Pradaxa sur les antivitamines K (AVK) - traitement de référence mais plus délicat à utiliser au quotidien -, car le médicament ne dispose pas d'antidote, contrairement aux AVK.
De son côté, le laboratoire Boehringer Ingelheim rappelle dans un communiqué que «si certains cas d'hémorragie peuvent évoluer de façon dramatique, ces cas sont à mettre en perspective avec les 4 000 décès et les 17.000 hospitalisations provoqués chaque année par les AVK en France». Il souligne aussi la réduction du risque d'accident vasculaire cérébral observée avec le Pradaxa, par rapport à celle que l'on constate avec les AVK... mais omet de signaler l'augmentation du risque d'hémorragie digestive. C'était pourtant le bon moment pour le faire.
Source : sante.lefigaro.fr