Article N° 2765
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Cancer colorectal : la piste bactérienne se confirme
Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 02 septembre 2013 18:46Le cancer colorectal est la quatrième cause de mortalité dans le monde, mais sa cause demeure toujours inconnue. Une origine infectieuse n'est pas exclue, à l'image de la bactérie Helicobacter pylori responsable de la plupart des cas d'un autre cancer de l'épithélium digestif, celui de l'estomac.
Fin 2011 l'équipe de Matthew Meyerson à Harvard (Boston) puis une autre équipe américaine ont annoncé avoir décelé une bactérie spécifique dans des tumeurs du côlon. Sa présence intrigue aussitôt car si Fusobacterium nucleatum est rare dans le côlon, c'est en revanche un pathogène bien connu dans la bouche, souvent responsable de parodontites, des inflammations qui peuvent entraîner des déchaussements de dents. Sa capacité à pénétrer dans les cellules épithéliales et à produire des filaments inflammatoires suggère un rôle plus actif que passif dans la maladie. Cette bactérie est-elle un simple témoin ou le vrai coupable du cancer du côlon?
Deux nouveaux résultats publiés dans la revue Cell Host & Microbe viennent étayer la seconde hypothèse et offrir pour la première fois un scénario expliquant l'origine de ce fléau. Poursuivant ses travaux, l'équipe de Meyerson vient de montrer sur des souris prédisposées à la maladie que le nombre de tumeurs dans le côlon est fortement augmenté lorsque la bactérie est absorbée. De plus, la bactérie induit dans l'intestin une réaction inflammatoire comparable à celle observée chez les patients et qui est capable de favoriser la progression de la maladie.
Ces résultats sont corroborés par une équipe américaine de la Case Western Reserve University (Cleveland) que Fusobacterium nucleatum se lie à un récepteur spécifique des cellules épithéliales et que cette liaison active la prolifération des cellules cancéreuses humaines du côlon. Mieux, ils ont trouvé un agent capable de bloquer cette liaison et l'entrée de la bactérie dans les cellules. En injectant ce produit à des souris immunodéprimées qui avaient reçu des cellules cancéreuses du côlon humaines avec la bactérie, l'évolution inflammatoire de la maladie a pu être stoppée. Fusobacterium s'avère ainsi capable d'amplifier le développement du cancer entamé chez certaines cellules intestinales.
«Ces résultats sont fort convaincants, précise le Pr Pierre Laurent-Puig, directeur du site de recherche intégrée en cancérologie «CARPEM» à l'hôpital Georges Pompidou (Paris). Ils laissent penser que la bactérie pourrait favoriser la carcinogenèse au travers d'une inflammation chronique et en agissant sur certaines cellules ayant déjà subi des altérations génétiques.»
Beaucoup de questions restent néanmoins posées. Quelle proportion de cancers colorectaux serait due à la bactérie? Des études portant sur plusieurs centaines de cas seront nécessaires pour le savoir, d'autant rappelle Pierre Laurent-Puig, «que nous venons de montrer qu'il en existe au moins six types sur le plan moléculaire».
Source : Le Figaro