Article N° 2764

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Obésité infantile : l’épidémie qui ne dit pas son nom

Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 01 septembre 2013 18:55

En cette période estivale, tout le monde a pu constater que le nombre d'enfants en surpoids se dandinant sur nos plages est en nette augmentation. Les enfants maigrichons et filiformes, mais très actifs, que nous étions jadis, ont laissé place à des enfants ronds, grassouillets et parfois obèses ayant toutes les difficultés à soutenir un petit effort sans s'essouffler. Ce nouveau phénomène qui s'installe doucement mais sûrement dans notre société porte bien un nom: le surpoids et l'obésité infantile.

L'OMS considère l'obésité des enfants comme l'un des plus grands défis pour la santé publique au 21ème siècle. Il s'agit d'un problème mondial qui affecte la plupart des pays et particulièrement les pays à revenu faible et intermédiaire. Le milieu urbain est davantage touché que le milieu rural et la prévalence s'est accrue à un rythme alarmant. On estimait le nombre d'enfants en surpoids dans le monde en 2010, à plus de 42 millions. Près de 35 millions de ces enfants vivent dans des pays en développement.

Le Maroc n'échappe pas à cette tendance et on estime que 3% des enfants souffrent d'obésité. Ce pourcentage passe à 10% si on y inclut les enfants souffrant de surpoids.

Les causes de cette nouvelle épidémie sont multiples. En plus des facteurs génétiques et de certaines pathologies, deux facteurs environnementaux sont clairement incriminés: La sédentarité et la mauvaise alimentation. Comme beaucoup de pays en voie de développement, le Maroc a subi de profonds changements des comportements alimentaires, en relation avec les évolutions du niveau de vie, des activités et des conditions de résidence. Les enfants marocains mangent de plus en plus gras, de plus en plus sucré et font de moins en moins d'activités physiques. Les longues heures passées à regarder la télévision ou à jouer aux jeux vidéo, et la consommation excessive de sodas, de sandwichs, de pizzas, de chocolat (...) sont autant de facteurs majeurs expliquant les chiffres alarmants de l'obésité infantile dans notre pays.

Les répercussions néfastes de ce fléau sont multiples.

Au niveau sanitaire, les enfants en surpoids et obèses risquent de rester obèses une fois adultes et sont plus susceptibles de contracter des maladies non transmissibles telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, certains cancers, ....etc. De plus, l'impact psychologique préjudiciable de cette pathologie n'est pas à négliger, car l'enfant obèse va se réfugier dans la solitude et se couper de son milieu, ce qui va aggraver son état.

Au niveau économique, les complications sanitaires engendrées par l'obésité infantile auront un coût exorbitant pour la société. Et si on ne réussit pas à inverser la tendance actuelle de cette évolution, c'est tout l'équilibre financier de nos caisses d'assurance maladie que nous mettons en péril.

Le surpoids et l'obésité, ainsi que les maladies qui leur sont liées, sont en grande partie évitables. Pour enrayer cette épidémie, il faut, donc, faire de la prévention notre cheval de bataille. Il faut inciter nos enfants à consommer davantage de fruits et de légumes, à limiter leurs apports énergétiques provenant de la consommation des graisses et des sucreries, et à avoir une activité physique modérée à intense, d'au moins 60 minutes par jour.

Ces actions individuelles nécessaires certes, ne sont malheureusement pas suffisantes. Car, il faut en plus, un engagement politique soutenu et la collaboration de tous intervenants aussi bien publics que privés dans le but d'inciter les citoyens à adopter un mode de vie plus sain.

Parmi les mesures adoptées dans d'autres pays pour lutter contre l'obésité infantile, on peut citer, en plus des campagnes de sensibilisation, l'augmentation de la taxation sur les boissons sucrés et les aliments gras favorisant l'obésité, l'affichage clair et simple sur les emballages alimentaires (signalétique feu vert, orange ou rouge en fonction de la qualité alimentaire du produit) et la limitation de la publicité pour les aliments gras et sucrés et les boissons sucrées.

Enfin, si le sort de notre progéniture ne préoccupe guère nos décideurs, qu'ils fassent, au moins, preuve de pragmatisme. En effet, les enfants d'aujourd'hui feront le Maroc de demain, et pour que ceux-ci puissent veiller sur nous demain et nous permettre de vivre notre vieillesse dans la sérénité, nous devons veiller sur leur santé aujourd'hui.

Zitouni Imounachen, Docteur en Pharmacie

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Source : Pharmanews 203