Article N° 2737

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MÉDECINE TRADITIONNELLE :APPORT HYPOTHÉTIQUE ET RISQUE AVÉRÉ!

Abderrahim Derraji, Docteur en Pharmacie - 18 août 2013 12:48

La faiblesse du pouvoir d'achat et l'insuffisance de la couverture médicale, poussent un large pan de la population marocaine à se tourner vers la médecine dite traditionnelle. Cette médecine qui n'en est pas en réalité une, est pratiquée par des guérisseurs d'un autre âge. Ces derniers sont persuadés d'avoir une "baraka divine" et un savoir faire transmis de père en fils leur permettant de rivaliser, sans complexe, avec les pratiques médicales les plus pointues.

Malheureusement, cette "médecine" sensée soigner les malades moyennant quelques dizaines de dirhams, n'est pas dénuée de méfaits puisqu'elle met leur santé en péril et particulièrement les plus jeunes d'entre eux. Le Centre Antipoison du Maroc (CAPM) a, à maintes reprises, tiré la sonnette d'alarme (1) en espérant une mobilisation des intervenants du secteur de la santé à la hauteur des dangers que représentent ces pratiques moyenâgeuses.

A titre d'exemple, les guérisseuses appelées «Férraga» inquiètent tout le corps médical, et particulièrement les pédiatres, qui constatent désarmés l'ampleur des dégâts engendrés par leurs pratiques. En effet, ces dames, généralement d'un certain âge, prodiguent de nombreux "soins" aux enfants et aux nourrissons vivants dans les zones rurales et péri urbaines. Plusieurs régions du Maroc sont concernées par ces « Férraga » et particulièrement la région de Marrakech où 126 cas d'enfants victimes de ces pratiques ont été colligés durant une seule année (2). Des cas similaires ont été déclarés dans d'autres villes telles que Casablanca, Rabat et Fès.

Grâce à des scarifications abdominales, à des points de feu et à l'administration de préparations à base de plantes et à des massages elles tentent de soigner les troubles digestifs, neurologiques, respiratoires, dermatologiques, etc....

Malheureusement, par tels soins, ces guérisseuses peuvent être à l'origine de risques infectieux liés soit à l'usage de matériel non stérile ou à la surinfection des brûlures qu'elles infligent aux nourrissons. Sans compter que ces actes sont souvent à l'origine de préjudices esthétiques irréversibles.

Pour soigner d'autres pathologies, ces dames administrent aux nourrissons des décoctions de plantes dont certaines réputées pour leur toxicité. Elles badigeonnent aussi le corps du nourrisson d'huile de cade pour soigner des affections dermatologiques avec tous les risques que cela comporte.

In fine, sans une réelle mobilisation du corps médical, de l'administration et de la société civile pour mieux prendre en charge et informer les citoyens, particulièrement les plus vulnérables d'entre eux, ces guérisseurs continueront à représenter un réel problème de santé publique au Maroc. La misère et l'ignorance d'une grande frange de la population aidant, ces guérisseurs ont le champ libre pour continuer à sévir en toute impunité, et ce, dans l'indifférence générale.

Abderrahim Derraji, Docteur en Pharmacie

(1)Revue: " TOXICOLOGIE-Maroc"N° 12 - 1er trimestre 2012

(2)Draiss G, Ennaim N, Lahmili FE, Bourrous M, Bouskraoui.M. Enquête sur les pratiques de la "Ferraga" à Marrakech. 3ème Congrès International de Toxicologie (Fès - Novembre 2010 )

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Source : Pharmanews 201