Article N° 2714
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Internet peut jouer un rôle important dans la pharmacovigilance
Zitouni Imounachen, docteur en pharmacie - 05 août 2013 16:19Les moteurs de recherche et les forums Internet spécialisés dans le médicament apparaissent comme une mine infinie de renseignements à explorer pour suivre les effets indésirables des médicaments. Des entreprises se sont déjà lancées dans la commercialisation des données qu'elles en tirent.
L'intérêt de la méthode a été vérifié par une équipe de chercheurs américains. À l'aide d'un programme de surveillance de la navigation Internet, ils ont décrypté les recherches de 6 millions d'internautes sur les moteurs Google, Bing et Yahoo! Ils se sont pour cela penchés sur un cas connu, l'interaction indésirable de deux molécules - la paroxétine (un antidépresseur) et la pravastatine (médicament contre le cholestérol) - identifiée en 2011 aux États-Unis par le canal classique de pharmacovigilance. Pris ensemble, ces médicaments favorisent l'hyperglycémie. Les chercheurs ont donc regardé si certaines combinaisons de mots reflétant cet effet indésirable avaient été fréquemment tapées pendant la période précédant l'annonce officielle, en 2010.
Ils ont pour cela mis au point un algorithme détectant sur les ordinateurs des volontaires de l'étude, des associations de mots, comme «paroxétine et taux de sucre élevé» ou «paroxétine et pravastatine et polyurie».
Selon leurs résultats publiés dans le Journal of the American Medical Informatics Association (Jamia) en janvier, les personnes faisant une recherche incluant les deux molécules avaient plus de chances d'y associer des symptômes de l'hyperglycémie (10%) que celles qui faisaient des recherches sur une seule de ces molécules (paroxétine 5% ; pravastatine 4%). «En termes de santé publique, il peut être vraiment bénéfique de prêter attention à ces signaux et de les associer à d'autres sources d'informations pour accélérer la création d'une pharmacovigilance fiable», concluent les auteurs, qui travaillent au centre de recherche Microsoft et à l'université de Stanford, en Californie.
En France, surveiller les forums Internet dédiés à la santé figure parmi les recommandations finales du rapport sur la pharmacovigilance remis à l'Académie de médecine en novembre dernier. Le Pr Jean-Louis Montastruc, coauteur du document, estime qu'il y a un réel intérêt à analyser les messages laissés par les particuliers sur ces sites, même si ces informations doivent être considérées avec prudence.
À l'Agence nationale de sécurité de médicament (ANSM), la directrice de la surveillance, Évelyne Falip, confirme qu'il serait bénéfique d'avoir plus de signalements émanant de particuliers. «Les patients ne déclarent pas les mêmes effets indésirables que les professionnels de santé. Ils parlent davantage de ce qui affecte leur qualité de vie, alors que les médecins se concentrent sur les cas graves», explique-t-elle.
Source : Le Figaro