Article N° 2457
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La tyrannie de la liberté d’expression
Dr. Zitouni Imounachen - 25 mars 2013 09:17Tous les professionnels de la santé ont été abasourdis à la lecture de l'éditorial insultant à leur encontre, publié par un journal national le jeudi dernier. Dans cet article, l'auteur prend parti, de manière évidente, pour la société de portage de médicaments dans l'affaire qui l'oppose aux pharmaciens d'officine, et qui est en cours de jugement.Un étalage de clichés et de généralisations ternissant encore plus l'image déjà écornée des professionnels de la santé au Maroc. Un concentré de tout ce qui va à l'encontre de l'honnêteté et de l'éthique journalistique: partialité, approximations et contre vérités, tels étaient les ingrédients de ce brûlot qui avait plus l'air d'un règlement de compte que d'un article de fond.L'auteur de l'article, parmi tant d'autres inimitiés et accusations graves, a assimilé les pharmaciens et les médecins à des rentiers des temps modernes. Selon elle, ces derniers useraient d'un « corporatisme pur et dur » pour défendre leur rente.Sans vouloir polémiquer, nous voudrions éclairer sa lanterne et lui expliquer que toutes ses accusations sont fausses et non fondées. Voila donc, les raisons pour lesquelles les pharmaciens et les médecins ne sont pas des rentiers, mais bel et bien des professionnels de la santé:Tout d'abord, être pharmacien ou médecin n'est pas un privilège hérité ou transmis, mais la consécration d'un dur labeur. Ces deux corps de métiers se caractérisent par des cursus universitaires réputés parmi les plus longs et les plus difficiles. Il s'agit bien de docteurs d'état, qui ont passé le tiers de leur vie sur les bancs des écoles et universités en quête de savoir. Cette longue formation fait d'eux de vrais professionnels de la santé méritant et maîtrisant leurs spécialités.Le rentier est un riche et notable de la société qui gagne sa vie sans travailler. Or, tous les pharmaciens et médecins travaillent très durs, ils ont des horaires difficiles, ils sacrifient souvent leur vie de famille pour leurs patients et ils assurent les gardes de jour et de nuit. Malgré ce dévouement, la majorité de ces professionnels de la santé arrive à peine à joindre les deux bouts. Plus préoccupant encore, environ 2000 pharmaciens sont aujourd'hui en très grande difficulté économique et risquent le dépôt de bilan à très courte échéance.A la différence du rentier, le pharmacien d'officine et le médecin sont des acteurs sociaux incontournables. La pharmacie d'officine est le seul espace de santé où les citoyens marocains peuvent entrer, être écoutés et conseillés sans rien débourser. De plus, grâce aux crédits octroyés aux patients, les pharmaciens permettent à nos concitoyens de se soigner à temps et prennent à leurs dépens le risque de retards de paiement et d'impayés. Ils participent ainsi, à instaurer la paix sociale et à la sauvegarder.Concernant le «corporatisme pur et dur» dont useraient les pharmaciens pour sauvegarder leurs intérêts, un minimum d'esprit d'analyse suffit à battre en brèche cette théorie. Le pharmacien d'officine a été l'unique professionnel de santé sacrifié sur l'autel de l'accessibilité aux soins. Il a subi de plein fouet la baisse des prix des médicaments. Dans ces conditions, parler de corporatisme pur et dur relève franchement de la mauvaise foi.Même le ministre de la santé (1), qui en intervenant dans l'intérêt des malades conformément à la législation en vigueur (Articles: 29 et 30 de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie) , n'a pas échappé à la diatribe de l'éditorial.En cette période où la pharmacie d'officine souffre en silence tout en pansant ses plaies, le courage journalistique et l'honnêteté intellectuelle auraient voulu que l'auteur du dit édito défende plutôt les 12000 femmes et hommes qui passent le plus clair de leur temps à écouter, à sensibiliser et à soigner leurs concitoyens, et qui y arrivent plutôt bien. Malheureusement, c'est tout le contraire qui s'est produit.Si la virulence et les inexactitudes d'un tel éditorial peuvent être imputées à un manque de maîtrise de ce dossier, ou d'un parti pris contre les professionnels de la santé, ce qui est certain en revanche, c'est que ce genre de pamphlet permet à certains journalistes de rattraper le silence coupable et gêné dont ils font preuve envers les vrais rentiers qu'ils ont l'habitude de côtoyer.Pour finir, je dirais que cet éditorial est au journalisme ce que l'entreprise qu'il défend est à la santé de nos concitoyens : nuisible et malvenu...Dr. Zitouni Imounachen(1) Lettre adressée par le ministre de la santé au procureur du Roi: lien
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Source : Pharmanews 180