Article N° 2428
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Une médecine pas si douce que ça!
Dr. Abderrahim Derraji - 10 mars 2013 15:00Ces derniers années, la situation économique difficile que vit un large pan de la population mondiale et la recherche d'alternatives thérapeutiques présentant peu d'effets indésirables, ont poussé de nombreux malades à recourir aux médecines dites douces, telle que la phytothérapie.
Les marocains, qui à travers leur histoire, se sont toujours soignés par les plantes médicinales, ne sont pas en marge de cette tendance mondiale. D'une part, ils continuent à utiliser les plantes appartenant à la pharmacopée traditionnelle, et d'autre part, ils s'intéressent de plus en plus aux spécialités à base de plantes.
Cet engouement pour la phytothérapie suscite l'intérêt des médias et plus particulièrement les chaînes radiophoniques nationales. Celles-ci, ont intégré dans leurs grilles de programme des émissions où des «phytothérapeutes» se relayent pour vanter les mérites des plantes médicinales. Ces émissions jouissent d'un bon audimat ce qui fait d'elles des outils de choix pour lancer des campagnes de sensibilisation aux usagers des médecines douces. Malheureusement, certaines émissions peuvent induire le contraire de l'effet escompté. En effet, certains « spécialistes en phytothérapie » n'hésitent pas à faire des consultations en direct et à conseiller des recettes à base de plantes. Certains vont plus loin encore puisqu'ils n'hésitent pas à conseiller aux auditeurs de stopper leurs thérapies avec tous les risques que cela comporte. La plupart des patients font malheureusement une confiance aveugle à tous ces produits qu'ils considèrent à tort comme étant inoffensifs.
L'hépatotoxicité et la néphrotoxicité connues de certaines plantes ne semblent guère inquiéter ces malades qui se ruent sur des mélanges de plantes dont ils ne connaissent, ni la composition, ni la provenance et encore moins leurs conditions de conservation. Pourtant l'imputabilité des plantes dans certaines intoxications ne laisse aucun doute. A titre d'exemple, la revue Prescrire vient de pointer du doigt les extraits de racine de Pélargonium. Cette plante principalement proposée pour soigner les affections respiratoires est à l'origine d'atteintes hépatiques. Dans un bilan établi en mars 2012 sur une trentaine de notifications d'atteintes hépatiques imputées à cette plante, l'agence allemande du médicament a fait état de 11 hépatites et 8 ictères. Un patient a même reçu une greffe du foie.
Une autre plante ayant défrayé la chronique est l'Aristolochia. Cette plante a été définitivement interdite en France par un décret du 20 mai 1998. Son interdiction a été motivée par sept insuffisances rénales et un décès lié à l'utilisation de cette plante. En Belgique, près de 100 intoxications ont été rapportées et en grande Bretagne, les autorités sanitaires ont relevé 18 cancers du rein associés à cette même plante.
Ces quelques cas parmi des milliers d'intoxications constatées annuellement à travers le monde, devraient nous inciter à redoubler de vigilance vis à vis de l'utilisation inappropriée des plantes. Les praticiens doivent être, comme le préconise l'OMS «dûment qualifiés et accrédités» avant de pouvoir s'ériger en phytothérapeute. Les professionnels de santé doivent s'impliquer davantage dans ces médecines douces pour éviter les dérapages. Quant au conseil de l'Ordre des médecins, il est temps qu'il intervienne conformément à ses prérogatives pour protéger les malades des égarements de certains « soi-disant » thérapeutes. Dans le cas contraire, ces derniers continueront à profiter amplement de l'ignorance et de la confiance de leurs auditeurs, mais aussi du laxisme de certains journalistes pour débiter des insanités et des contrevérités dont les conséquences s'avèrent parfois dramatiques.Lire Pharmanews 178: lien
Source : Pharmanews 178