Article N° 2350

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Pilule : les risques largement sous-estimés

Dr. Zitouni Imounachen - 29 janvier 2013 19:27

Entre 1987, date de sa mise sur le marché, et 2012, l'Agence du médicament estime que 7 décès sont liés à la prise de Diane 35, dont 4 directement imputables au produit. Or, selon des experts, ce chiffre est très largement sous-estimé. En cause, la méthode utilisée.

C'est pourquoi, à la demande de l'Agence, deux CHU, Amiens et Brest, ont utilisé une autre façon d'étudier les effets indésirables, sur la base du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), l'un des éléments destinés à noter l'activité des hôpitaux.

Le 14 janvier, nous révélions que, d'après les résultats provisoires de Brest, 47 cas d'effets indésirables graves (embolie pulmonaire, thrombose veineuse profonde, accident vasculaire cérébral), dont 2 décès, chez des femmes de 15 à 25 ans exposées à la pilule (quelle que soit la génération) étaient à déplorer. Le tout sur un échantillon de 800.000 personnes, entre 1998 et 2012.

Selon le CHU de Brest qui a poursuivi ses travaux qui a passé au crible 550 séjours hospitaliers de femmes de 15 à 45 ans ayant présenté thromboses, accidents vasculaires cérébraux et embolies pulmonaires de 1998 à 2012. Il en ressort que 155 femmes (45 étaient âgées de 15 à 25 ans et 110 de 26 à 45 ans) ont eu des embolies pulmonaires ou des AVC concomitants avec une prise de pilule, toutes générations confondues. Sur les 155 femmes, 3 sont décédées suite à la prise d'une pilule contraceptive. Extrapolé à l'ensemble de la population française, sur la période 1998 à 2012, le nombre de décès serait de 200.

Autre fait marquant, 80% des patientes qui ont eu des accidents présentaient au moins un facteur de risque (tabac, tension artérielle, surpoids, antécédents familiaux, immobilité, longs voyages en voiture ou en avion, âge supérieur à 40 ans). Au-delà des pilules de 3e et 4e générations, la question se pose: pourquoi les médecins prescrivent-ils la pilule à des femmes ayant des facteurs de risque?

Ces résultats interviennent alors qu'une vive querelle oppose les experts. D'un côté, ceux qui estiment que la pharmacovigilance telle qu'elle existe suffit et que trop de signaux tuent le signal. En France, 31 centres régionaux de pharmacovigilance, situés au sein des hôpitaux, reçoivent les déclarations d'effets indésirables transmises par les professionnels de santé ou par les patients. Problème: plus de 9 cas sur 10 ne sont pas déclarés.

Par conséquent, d'autres experts plaident pour la réalisation d'études de la base des données hospitalières, comme celle que le CHU de Brest vient de réaliser. Car si plusieurs hôpitaux font ce travail, la population étudiée ne sera plus de quelques centaines de milliers de personnes, mais de plusieurs millions.

Dans ce contexte, certains posent la question de la représentativité du travail réalisé par l'Agence du médicament. Cette évaluation se fondant sur les données de pharmacovigilance classique des 31 centres, il est plus que probable que les résultats sont très largement sous-estimés. Pour en avoir une idée plus juste, il faudrait interroger les bases PMSI de tous les hôpitaux.

Source : http://sante.lefigaro.fr