Article N° 2319
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Quelle pharmacie voulons-nous?
Dr. Zitouni Imounachen - 13 janvier 2013 16:33La pharmacie d'officine est en profonde crise. Derrière la crise économique qui frappe de plein fouet cette profession, se dissimule une crise insidieuse, beaucoup plus grave qu'on pourrait appeler une crise d'identité professionnelle.A l'origine, l'apothicaire était chargé de préparer, lui-même, les remèdes à la demande du médecin pour son patient. Par la suite, l'industrialisation des processus de fabrication du médicament a réduit le rôle du pharmacien à la délivrance et au contrôle de la prescription du médecin. Cette évolution a rendu le pharmacien totalement tributaire de la vente des médicaments pour faire fonctionner son entreprise et gagner sa vie.Ayant toujours fait partie des notables de la société, la question de la rémunération ne s'était jamais posée. Mais depuis quelques décennies, la situation économique des pharmaciens d'officine s'est beaucoup dégradée et ce mode de rémunération s'est avéré anachronique. D'abord, il est insuffisant. Et la baisse des prix des médicaments qui vient de commencer ne risque pas d'arranger les choses. Il est injuste, car il ne prend pas en considération le travail intellectuel du pharmacien. Il est, enfin, réducteur pour les professionnels de santé que nous sommes, car il tend à considérer le pharmacien comme un simple commerçant.Le choix du mode de rémunération est donc crucial pour notre profession. Car, c'est de lui que dépendra la nature même de l'exercice officinal de demain.Voulons-nous un pharmacien professionnel de santé, ou un pharmacien commerçant ? La profession est aujourd'hui à la croisée de ces deux chemins.Si on aspire à un exercice officinal de qualité et dans les règles de l'art, où le pharmacien sera un acteur majeur du système de soins, alors le mode de rémunération devra inévitablement changer. Il devra prendre en considération ce qu'il y a de plus précieux chez un pharmacien, tout en le privilégiant, son travail intellectuel. En effet, le pharmacien a plus que des compétences, il dispose du savoir. Seulement, dans une société de plus en plus consumériste, le savoir n'a aucune valeur, et seules comptent les compétences. Or, comme le dit si bien le philosophe français, Bernard Stiegler, « les compétences sans un vrai savoir, c'est Fukushima ».Si au contraire, on considère le médicament comme un banal bien de consommation, et le pharmacien comme un vulgaire distributeur de marchandises, alors le pharmacien devra s'adapter aux exigences de la société de consommation et agir en conséquence. Il devra troquer son dévouement et toutes les qualités humaines qui étaient toujours siennes, contre le perfectionnement des techniques de vente et autres subterfuges pour augmenter son chiffre d'affaires.Pour sauver la pharmacie d'officine d'une telle dérive, dans l'intérêt des patients, des caisses d'assurances maladies et de toute la société, une réflexion sur le mode de rémunération de notre profession s'avère aujourd'hui plus que nécessaire. C'est seulement ainsi qu'on pourra voir l'émergence d'un nouveau pharmacien qui ne sera pas en charge de la distribution du médicament mais du suivi et de l'accompagnement du patient.Lire pharmanews 170: Lien
Source : Pharmanews 170