Article N° 2170
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Les douleurs chroniques, complexes à traiter
Dr. Zitouni Imounachen - 29 octobre 2012 21:36La douleur chronique, celle qui dure depuis plus de trois mois, est un enjeu important. Selon le Pr Didier Bouhassira (CETD (1), CHU Ambroise Paré, Boulogne et Inserm U987), «20 % des adultes disent souffrir de douleur chronique d'intensité modérée à sévère, un chiffre qui augmente avec l'âge pour atteindre 50 % chez les plus de 70 ans ».
La douleur chronique a souvent des causes banales: douleurs musculo-squelettiques, surtout du rachis, lésions nerveuses dues à une maladie, séquelles de traumatisme ou de chirurgie, migraines... L'interrogatoire du patient permet de caractériser la douleur, d'en mesurer l'intensité, le retentissement sur le travail, le sommeil, la vie quotidienne... En structure spécialisée, cette évaluation est toujours pluridisciplinaire.Dans les douleurs dites nociceptives, surtout musculo-squelettiques, une réaction inflammatoire initiale stimule les récepteurs de la douleur qui transmettent le message au cerveau. «Cette stimulation inflammatoire, brève dans la douleur aiguë, se prolonge ou se répète dans la douleur chronique, au point de saturer ce système», explique Michel Lantéri-Minet. Le traitement fait appel aux anti-inflammatoires, voire aux opioïdes.Parfois, il n'y a pas d'inflammation, c'est une lésion d'un nerf, du système nerveux, qui génère des signaux de douleur aberrants. Parmi ces douleurs chroniques neuropathiques, les douleurs post-zona, ou post-chirurgicales par lésion de filets nerveux, les blessures médullaires, les lésions nerveuses lors d'un traumatisme, les neuropathies diabétiques, etc. Les patients parlent alors plutôt de brûlures, de décharges électriques ou de picotements. Ces douleurs sont parmi les plus difficiles à traiter. Elles répondent mal aux anti-inflammatoires, un peu mieux aux antiépileptiques et aux antidépresseurs, à action centrale.Certaines douleurs sont mixtes: celles du cancer associent souvent des composantes neuropathiques dues à la tumeur ou aux traitements, et nociceptives, liées à l'inflammation ; la lombo-sciatique associe la lombalgie, plutôt inflammatoire, et la sciatique, neuro-pathique. La neurostimulation électrique est le traitement de choix des douleurs à composante neuropathique.Une fois sur deux, il n'y a ni inflammation ni lésion nerveuse. «Ces douleurs chroniques dysfonctionnelles, dont l'exemple type est la fibromyalgie, proviennent d'un dysfonctionnement des systèmes de modulation, qui amplifient ou diminuent la douleur», indique le Pr Lantéri-Minet. Les médicaments sont assez peu efficaces et leur traitement fait aussi appel à d'autres approches, notamment cognitives.
Cette complexité de la douleur chronique est encore accrue par l'étroite intégration des centres sensoriels et émotionnels dans le cortex cérébral. Il y a une comorbidité flagrante entre douleur et dépression. Des études épidémiologiques montrent que cette relation est bilatérale: 1/3 des douloureux chroniques sont déprimés, et 80 % des déprimés graves hospitalisés ont des douleurs chroniques.» Lorsque la douleur a une cause médicale très claire, on améliore la dépression en la réduisant. «Mais le plus souvent, les douleurs chroniques sont multifactorielles: on a donc intérêt à traiter en parallèle l'humeur et la douleur.»
Source : http://sante.lefigaro.fr