Article N° 2169
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Prix du médicament: les pharmaciens sacrifiés pour rien?
Dr. Abderrahim Derraji - 28 octobre 2012 20:42Pas un jour ne passe sans que les medias n'abordent dans leurs colonnes le sujet des prix des médicaments et de leur cherté. A les croire, et à croire les déclarations qui fusentdetoutes parts, le prix des médicaments serait la seule entrave à l'amélioration de l'accès aux soins au Maroc.
Le débat autour du prix du médicament ne date pas d'aujourd'hui, et c'est la publication par les parlementairesdu rapport de la Mission d'Information sur le Prix du Médicament au Maroc en 2009 (1) qui a dévoilé au grand jour les prix aberrants de certaines spécialités pharmaceutiques. Ce même rapport a également mis en exergue les limites de la méthodologie utilisée par l'administration pour déterminer les prix des médicaments. Depuis cette date, la cherté des médicaments est devenue un postulat dont la seule issue envisageable par les autorités est la baisse des prix des médicaments. Les industriels et à moindre échelle les pharmaciens d'officine, sont aujourd'hui présentés comme des «freins» à l'amélioration de l'accès aux médicaments.
Depuis la publication de ce fameux rapport, un pernicieux amalgame s'est installé dans les esprits. Celui-ci tend à confondre deux problématiques bien distinctes: le prix du médicament d'un côté et son accessibilité de l'autre. Pourtant, il suffit juste de passer quelques heures dans une pharmacie pour se rendre compte que la consommation des malades en médicaments est avant tout tributaire de la couverture médicale.
Malheureusement, le taux de couverture médicale qui peut dépasser les 90% chez nos voisins, peine à atteindre chez nous les 34%, Ramed non compris. Il ne faut donc pas s'étonner si le marocain ne consomme en moyenne que 8 boîtes de médicaments par an pour un coût d'environ 400 dirhams par an. Cette même consommation atteint environ 1000 dirhams à l'échelle mondiale(2). Autre exemple parlant: jusqu'en 2009, seul un hypertendu sur 11, un diabétique (type II) sur 8 et un dyslipédémique sur 60 étaient pris en charge correctement(3).
Concernant l'impact de la baisse des prix des médicaments, quelque soit sa valeur, elle ne peut être que bénéfique pour les caisses d'assurance maladies. Par contre, en ce qui concerne les malades, une baisse de quelques dirhams sur un médicament coûtant 30 à 40 dirhams ne peut à elle seule améliorer l'accès à celui-ci. Rappelons, qu'environ 80% des médicaments vendus dans les pharmacies ont un prix inférieur à 50 dirhams.
Quant aux médicaments destinés à soigner les maladies lourdes qui sont généralement vendus en dehors des officines, ils resteront inaccessibles pour tout malade ne disposant pas de couverture médicale même si on réduit leur prix de moitié, voire plus.
In fine, la généralisation de la couverture médicale et l'amélioration du niveau de vie des marocains demeurent les vrais clés de voûte pouvant permettre une réelle accessibilité aux soins à nos concitoyens. Quant à la baisse des prix des médicaments qui risque de déstabiliser irrémédiablement les pharmaciens d'officine, elle pourra peut être apaiser de manière passagère une tension sociale avérée, mais elle ne pourra jamais répondre, à elle seule, aux attentes pressantes et légitimes des marocains pour une prise en charge sanitaire décente.
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Source : Pharmanews n°159