Article N° 2055
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Des parasites contre la maladie de Crohn
Pharmacies.ma - 31 août 2012 05:00Une nouvelle voie thérapeutique est sérieusement explorée contre la sclérose en plaque et les maladies inflammatoires de l'intestin, telle la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique : elle consiste à ingurgiter les ½ufs d'un parasite du porc !
Un essai commence ce mois-ci aux États-Unis. Une centaine de patients atteints de maladie de Crohn devront donc avaler une solution contenant 7500 ½ufs du parasite Trichuris suis dans une cuillère à café toutes les deux semaines pendant trois mois. Dans le tube digestif des porcs, ce ver minuscule est capable de se reproduire, mais ce ne serait pas le cas chez l'homme où il meurt après environ deux semaines. D'où le choix de ce parasite par la société américaine Coronado Bioscience.
Selon le Pr Pierre Desreumaux, qui dirige l'unité Inserm 995 de l'université de Lille-2, le premier argument est épidémiologique: cela fait une vingtaine d'années que l'on s'est aperçu qu'il y avait moins de maladies auto-immunes telles que diabète insulinodépendant (type 1), rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, sclérose en plaque, ou polyarthrite rhumatoïde, dans les pays où sévissaient le plus de parasites et de maladies infectieuses. Comme si, à force de vivre dans un environnement aseptisé, le système immunitaire de notre organisme, moins agressé qu'auparavant, s'était mis à s'attaquer à lui-même, déclenchant allergies et maladies auto-immunes.
De son coté, le Pr Monique Capron, professeur d'immunologie à l'université de Lille-2 fait remarquer que dans les pays émergents tels que l'Égypte ou l'Argentine, où il y a eu des campagnes contre les parasites et une modification du mode de vie vers plus d'urbanisation, on voit apparaître ces maladies auto-immunes qui n'existaient pratiquement pas.
Le deuxième argument en faveur de cette approche thérapeutique originale est que d'un point de vue immunologique, un parasite ne serait pas toujours une mauvaise chose pour celui qui l'héberge. Mais le véritable baptême du feu pour l'approche parasitaire dans le traitement des maladies immunologiques date de 2005, lorsque l'Américain Joel Weinstock, aujourd'hui à la tête du centre médical Tufts à Boston (États-Unis), parvient à obtenir une rémission pour 21 patients sur 29 atteints d'une maladie de Crohn, grâce à l'administration des ½ufs de parasite de porc.
Toutefois, la chercheuse Monique Capron reste sceptique sur les essais avec des parasites vivants. «Le risque que le parasite se développe néanmoins ou induise des conséquences pathologiques chez certains patients receveurs n'est pas totalement à exclure.» Même prudence du Pr Desreumaux: «Une parasitose intestinale, ce n'est pas grave mais si les parasites vont au poumon ou au cerveau, c'est autre chose.»
Pour éviter ces problèmes, l'idéal, selon elle, serait d'identifier les molécules parasitaires responsables de l'effet bénéfique sur le système immunitaire. On pourrait alors les produire de manière contrôlée et sans risque pour l'individu.
Source : sante.lefigaro.fr