On ne change pas une équipe qui perd !
Depuis le 1er janvier 2024, les patients de Bretagne, de Corse, d'Occitanie et du Centre-Val de Loire peuvent désormais consulter leur pharmacien pour certains «petits maux». Ces pathologies, qui incluent les angines, les conjonctivites, la varicelle, les piqûres de tiques ou encore les cystites, peuvent être diagnostiquées et traitées par le pharmacien après un questionnaire confidentiel d'un quart d'heure.
Cette initiative, qui a débuté en Bretagne en 2021 suite à une demande de l'Agence régionale de santé (ARS), vise à décongestionner les cabinets médicaux et les services d'urgence. Elle simplifie la vie des patients en leur permettant d'obtenir des soins plus rapidement et facilement. De plus, elle offre aux pharmaciens l'opportunité de proposer de nouveaux services et de développer de nouvelles compétences. Cette expérience, très bien accueillie par les patients, pourrait être rapidement étendue à l'ensemble du territoire français.
Comme souligné lors de la 24e édition de la Journée pharmaceutique internationale de Casablanca (JPIC), qui s'est déroulée samedi dernier, la pratique officinale évolue actuellement en Europe. En France, où les pharmaciens ont été investis de nombreuses missions de santé publique visant à améliorer la prise en charge des malades, ces professionnels assurent l'accompagnement des patients asthmatiques, sous anticoagulants, polymédiqués ou sous anti-cancéreux. Ils mènent également des entretiens courts destinés à la femme enceinte et pratiquent le dépistage d'angine, du cancer colorectal, des cystites et de la Covid-19. Grâce à l'implication des pharmaciens et des infirmiers, la France a pu également améliorer la couverture vaccinale de sa population.
Pour effectuer ces missions, les pharmaciens perçoivent des indemnités qui viennent s'ajouter aux honoraires de dispensation, rémunérant l'acte pharmaceutique. Ces honoraires sont en vigueur dans la plupart des pays européens. Ils couvrent la délivrance des médicaments, l'analyse pharmaceutique de l'ordonnance médicale, la préparation éventuelle des doses à administrer, ainsi que la mise à disposition des informations et conseils nécessaires au bon usage des médicaments.
En plus de la marge sur les médicaments, le pharmacien français perçoit un honoraire d'ordonnance, un honoraire en fonction du conditionnement (mensuel ou trimestriel), un honoraire pour les ordonnances complexes, un honoraire pour les ordonnances comportant des médicaments spécifiques, et des honoraires supplémentaires pour les enfants de moins de 3 ans ou les adultes de plus de 70 ans.
À cela, il faut ajouter des indemnités et des honoraires de garde.
Ce modèle de rémunération répond à deux impératifs : d'une part, il rémunère le pharmacien en fonction de sa contribution à la prise en charge du patient et, d'autre part, il permet de désensibiliser l'économie de la pharmacie des baisses inéluctables des prix des médicaments. Les autres pays européens, notamment la Belgique, dont le modèle a été aussi présenté lors de la JPIC, connaissent une évolution du rôle du pharmacien qui se positionne, de plus en plus, comme un acteur indispensable dans le parcours de soins.
Au Maroc, on assiste à une stagnation de la profession depuis trois décennies. Bien que le pharmacien, point d'entrée du système de santé, joue un rôle essentiel dans la prise en charge des maladies bénignes, son rôle n'est malheureusement pas valorisé. Les spécificités marocaines et le contexte socio-économique nécessitent une révision des textes régissant la dispensation des médicaments pour permettre aux pharmaciens de prendre en charge certaines maladies bénignes en toute légalité.
Le pharmacien marocain peut être formé pour vacciner et améliorer la couverture vaccinale, notamment contre la grippe. On peut également mettre en place des entretiens pharmaceutiques pour une meilleure prise en charge de certaines maladies chroniques.
Malheureusement, les conditions ne sont pas réunies pour faire évoluer la pharmacie marocaine. D'une part, l'administration accorde moins d'importance à l'évolution des pratiques officinales et du modèle économique des pharmacies qu’aux autres chantiers dont elle a la charge. Et d’autre part, privés de ses Conseils de l’Ordre, aucun chantier visant à faire évoluer la pratique officinale ne peut être entrepris.
Aussi, sans changement de modèle économique de la pharmacie, ses difficultés économiques continueront à s'aggraver. La rémunération du pharmacien marocain, basée exclusivement sur deux marges et deux forfaits insignifiants, provoque une paupérisation qui s'accentuera avec les baisses des prix des médicaments à venir.
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