Rémunération du pharmacien : faut-il supprimer les marges ?
Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
Le Syndicat des pharmaciens de Casablanca organise, samedi prochain, la 24e édition de sa Journée pharmaceutique internationale (JPIC). L’édition 2024 abordera le thème «Rémunération de l’acte pharmaceutique : vital pour la viabilité de l’officine».
Cette Journée vient nous rappeler, une fois de plus, l’immobilisme que connaît la pharmacie marocaine depuis au moins trois décennies. Pendant que leurs confrères de la rive nord de la Méditerranée s'adaptent pour répondre aux besoins des patients tout en préservant leurs revenus, au Maroc, les pharmaciens continuent à payer un lourd tribut à une politique pharmaceutique hasardeuse.
Un exemple frappant est l'inter-professionnalité, désormais une réalité déchargeant les médecins de certaines tâches confiées aux pharmaciens et aux autres professionnels de santé. Ces activités génèrent des revenus supplémentaires, s'ajoutant aux indemnités telles que les indemnités de garde, qui n'ont, malheureusement, jamais eu droit de cité au Maroc. De même, les honoraires perçus par les pharmaciens sur la dispensation des ordonnances remplacent progressivement les marges commerciales, rendant ces professionnels moins sensibles aux fluctuations des prix des médicaments.
Au Maroc, les baisses de prix consécutives à la mise en œuvre du Décret 2-13-852 relatif à la fixation des prix des médicaments ont exacerbé les difficultés économiques des pharmacies, conduisant à de nombreuses fermetures de pharmacies en raison d'insolvabilité.
Avec la généralisation de la couverture médicale au Maroc, une surveillance accrue des dépenses de santé est impérative. Cependant, les ajustements risquent de cibler, une fois de plus, les prix des médicaments, sans évaluer l'impact de ces baisses sur l'économie de la pharmacie et la disponibilité des médicaments.
Aussi, les pharmaciens dont les revenus ne cessent de décliner espèrent une «désensibilisation» de l'économie de leur officine vis-à-vis du chiffre d'affaires. Cependant, pour changer de paradigme, des études d'impact sérieuses et impartiales, un système d'information permettant de suivre les changements opérés et des instances crédibles et légitimes, sont nécessaires. Sans ces éléments et sans la volonté de la Tutelle, les «remèdes» préconisés risquent de ne pas donner l’effet escompté et pourraient même aggraver les difficultés économiques de la pharmacie !
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