Journées pharmaceutiques d'Agadir : nouveau Système de Santé - Quel rôle pour le Pharmacien d'Officine
Par Abderrahim DERRAJI, Docteur en pharmacie
Le rideau vient de tomber sur la 12ème édition des Journées pharmaceutiques d'Agadir, une rencontre qui a permis aux pharmaciens de cette ville et à leurs invités de se pencher sur les différentes problématiques de la profession pharmaceutique.
La première thématique programmée par le Comité d'organisation avait pour titre «Psychotropes : textes Obsolètes et Pratiques Périlleuses», un intitulé qui résume à lui seul les contraintes liées à la dispensation et à l'approvisionnement en psychotropes.
En effet, comme l'ont rappelé le Dr Ismail Rammouz et le Dr Amine Bouzoubâa, les pharmaciens sont de plus en plus réticents à délivrer les médicaments psychotropes, d'autant plus que le nombre de leurs confrères ayant des démêlés avec la justice pour avoir délivré des produits contenant des substances psychoactives sans se conformer aux lois en vigueur ne cesse d'augmenter.
On ne peut nier que la situation n'est pas toujours évidente. Certains pharmaciens agissent de bonne foi, cherchant à aider des patients n’ayant pas pu renouveler leur ordonnance ou tombant dans des pièges tendus par des trafiquants. La complexité de ces situations échappe souvent aux juges qui traitent ces affaires.
Comme l'a souligné le Dr Ismail Rammouz, les patients vivant avec une pathologie psychiatrique sont souvent stigmatisés, ce qui pose des problèmes d’observance aux traitements. Cette situation ne va pas s’arranger tant que le cadre juridique régissant ces médicaments n’a pas été actualisé, et tant que le pharmacien ne dispose pas d'outils permettant de sécuriser la délivrance des psychotropes, comme l'ordonnance infalsifiable adoptée en Tunisie, qui a été présentée par le Dr Thouraya Naifer, Secrétaire générale du Conseil de l’Ordre des pharmaciens de Tunisie. Ce pays a adopté l’ordonnance «bleue» pour barrer la route aux trafiquants de certaines molécules qui font l’objet d’un usage déviant. Il s’agit du Trihexyphénidyle, du Clonazepam, du Lorazepam et du Diazépam.
Cette mesure s'applique aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé. Les prescripteurs de ces deux secteurs utilisent un carnet à souche numéroté. Le patient doit présenter une pièce d’identité, aussi bien au médecin qu’au pharmacien. Ce dernier doit garder une copie de l’ordonnance bleue exécutée.
Le dossier médical partagé, en vigueur dans la plupart des pays voisins, constitue également une solution pour sécuriser la dispensation des ordonnances comportant des médicaments faisant l’objet de mésusage.
Au Maroc, tant qu’aucune de ces solutions n’est adoptée, le climat de suspicion va persister. Et en un clin d'œil, le pharmacien bascule du statut d'honorable professionnel de santé à celui de trafiquant de stupéfiants. Les officinaux sont, de ce fait, acculés à appliquer la loi à la lettre, ce qui peut impacter la compliance aux traitements des patients qui n'arrivent pas à renouveler à temps leurs ordonnances. Pour pallier cela, le Dr Amine Bouzoubaa propose l'octroi d'un droit de renouvellement encadré des ordonnances arrivant à expiration, particulièrement quand il s’agit d’antidépresseurs, afin de maintenir l'observance.
Les orateurs de la table ronde «Nouvelle Réforme du Système de Santé, Place du Pharmacien d’Officine» ont mis l’accent sur la restructuration et la mise à niveau du système de santé au Maroc. Ces experts s’accordent sur la nécessité de renforcer la place du pharmacien dans le parcours de soins en lui conférant de nouvelles missions qui ont fait leurs preuves dans de nombreux pays. Le pharmacien et son équipe jouent actuellement un rôle très qui peut être amélioré en mettant en place des formations efficientes afin d’harmoniser cette prise en charge et un cadre légal pour la sécuriser.
La dernière table ronde programmée par le Comité d’organisation des Journées Pharmaceutiques d’Agadir a eu comme thème : «Ruptures de Stock : un frein à l’accès aux médicaments». Ce sujet a été traité par le Dr Rachid Lamrini et le Dr Abderrahim Derraji. Les deux orateurs ont rappelé le cadre légal en vigueur au Maroc et les multiples causes de pénuries. Ils ont également pointé du doigt les facteurs qui aggravent les pénuries de stocks comme le défaut du droit de substitution et le manque d’informations.
Les deux conférenciers ont conclu leurs présentations par une série de recommandations pour faire face aux pénuries.
En résumé, les Journées pharmaceutiques d’Agadir ont offert une plateforme riche en discussions et recommandations, soulignant l'importance cruciale du rôle du pharmacien dans le système de santé en constante évolution au Maroc. Les participants se sont séparés en se donnant rendez-vous pour la 13ème édition, témoignant de l'engagement continu envers l'amélioration de la profession pharmaceutique à Agadir.
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