Professionnels de santé : les limites de la liberté d’expression !
Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
Une course contre la montre s’est engagée à travers tous les pays pour mettre au point des vaccins anti-Covid-19, pour s'en approvisionner en quantité suffisante et pour les administrer à grande échelle pour contrecarrer le nouveau coronavirus. Ce virus, qui était méconnu jusqu’en décembre 2019, a mis les systèmes de santé à rude épreuve, y compris les plus aboutis d’entre eux. Le Sars-Cov-2 a également été à l’origine d’une crise socio-économique dont on n'a pas fini d’en parler.
Devant pareille situation, les professionnels de santé, qui ont payé un lourd tribut à la pandémie actuelle, ont été les premiers à se faire vacciner. D’une part, pour se protéger contre ce nouveau virus et, d’autre part, pour éviter de contaminer leurs patients.
Ces acteurs de la santé jouent également un rôle capital dans les programmes de vaccination, notamment en corrigeant certaines fausses informations glanées à travers la Toile, sachant que les études cliniques et le suivi de millions de personnes vaccinées ne laissent aucun doute sur la pertinence de la vaccination. Les autorités sanitaires sont d’ailleurs unanimes quant au rapport bénéfices/risques des doses de vaccins. Il en est de même pour la majorité écrasante des professionnels de santé qui plaident pour la généralisation de la vaccination tout en continuant de suivre de très près les notifications des événements indésirables.
On note, cependant, qu’une minorité de médecins ne partagent pas cet avis et n’hésitent pas à faire des sorties médiatiques à même de semer le doute dans l’esprit de patients qui se seraient spontanément vaccinés. Plusieurs pays sont concernés par ces dépassements à commencer par le Canada où certains médecins anti-masques, antivax, covido-sceptiques ou prohydroxy-chloroquine exerçant en Colombie britannique sont menacés de sanctions.
En effet, par un communiqué du 6 mai dernier signé conjointement par le College of physicians and surgeons of British Columbia et la First Nations Health Authority, ces deux organismes menacent de sanctionner tout médecin qui propagerait des informations en contradiction avec les recommandations officielles.
En France, le Code de déontologie médicale invite les médecins à faire preuve de prudence lorsqu’ils s’adressent au grand public. Un pneumologue a été interdit d’exercer la médecine durant 5 mois pour avoir tenu des propos contre l’utilisation de masques. Un autre praticien a même été radié pour ses prises de position publiques et en raison de ses penchants pour des pratiques médicales contestées.
En Suisse, la «Tribune de Genève» a révélé qu’un collectif de professionnels de santé a demandé un moratoire sur la campagne vaccinale suisse qu’il juge précipitée et surtout trop risquée. Pas moins de 750 professionnels de santé dont des naturopathes, des infirmiers, des ostéopathes ou encore des médecins (10% environ) ont signé la requête sachant que les arguments évoqués sont scientifiquement erronés.
En Belgique, comme l’a reporté le magazine flamand «Telefacts NU», un petit groupe de généralistes déconseillent à leurs patients de se faire vacciner. Certains d’entre eux proposent spontanément à leurs patients de «falsifier leurs vaccinations et de fournir de fausses attestations» !
Devant des cas similaires, on peut légitimement s'interroger au sujet de la «liberté d’expression» des professionnels de santé qui sont en principe tenus de se conformer aux recommandations officielles. Celles-ci sont généralement élaborées par des scientifiques dont l’expertise ne laisse aucun doute quant à la légitimité de leurs décisions. Bien évidemment, ces décisions ne sont pas immuables. Les approches qu’ils adoptent doivent constamment évoluer et prendre en considération les données issues des derniers essais cliniques et du suivi des personnes vaccinées à travers le monde. C’est, en définitive, aux autorités sanitaires et aux politiques qu’incombe la responsabilité de prendre les décisions qui s’imposent en mettant l’intérêt général au-dessus de toutes les considérations.
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