Y a-t-il un antidote contre les antivax ?
Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
Le Sars-Cov-2 continue de se répandre à travers le monde et les structures de soins sont saturées dans la plupart des pays touchés. Quant au nombre de victimes, il a dépassé un million et demi.
Les politiques de confinement adoptées par bon nombre de pays ont permis de réduire la propagation de la pandémie. Mais malheureusement, leur coût économique est intenable dans le temps. Tous les pays ont fini par faire marche arrière. Mais, à chaque déconfinement, les chiffres repartent à la hausse ce qui contraint les décideurs à confiner à nouveau ! La seule lueur d’espoir est la vaccination d’un large pan de la population mondiale en faisant appel à des vaccins sûrs et efficaces.
Plus d’une quarantaine de vaccins sont en cours de développement et certains d’entre eux ont obtenu ou vont obtenir, dans les prochaines semaines, l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Le vaccin développé par le groupe Américain Pfizer et la biotech Allemande BionNTech a décroché l’autorisation de l'Agence indépendante de réglementation des médicaments et des produits de santé (MHRA) ce qui a permis au Royaume-Uni de démarrer sa campagne de vaccination. Et c’est la nonagénaire Maggie Keenan qui a bénéficié de la première dose dans un hôpital de Coventry. Santé Canada et la FDA (Food and drug administration) ont également donné leur feu vert pour l’utilisation de ce vaccin à ARN messager.
Quant au vaccin mis au point par Oxford et AstraZeneca, les résultats publiés mardi dernier dans la revue «The Lancet» ont confirmé les résultats mitigés annoncé auparavant par AstraZeneca. Ce dernier a fait état d’une efficacité accrue avec un schéma vaccinal qui prévoit l’administration d’une demi-dose lors de la première administration suivie d’une dose complète.
Les autres pays ont commencé à prendre les dispositions nécessaires au lancement de campagnes de vaccination d’envergure en privilégiant dans un premier temps les sujets les plus vulnérables et les plus exposés.
Pendant que ces préparatifs vont bon train, les antivax mènent des campagnes d’un autre genre et un combat où tous les coups sont permis pourvu qu’ils sèment le doute dans l’esprit des sujets qui projettent de se faire vacciner. Toutes les théories y passent, y compris les plus farfelues.
D’après certains antivax, «des puces 5G vont être administrées en même temps que le vaccin afin de tracer la population» et d’après d’autres, le Sars-Cov-2 a été mis au point dans le cadre d’une stratégie bien ficelée avec comme objectif de «remplacer les pauvres par des robots», etc.
Les antivax suivent de près le développement des vaccins, et à chaque publication de résultat d’essai clinique, ils montent au créneau. Et comme, il y a souvent un décalage entre la communication des résultats par les laboratoires et les publications scientifiques, les antivax n’hésitent pas à remettre en question, aussi bien l’efficacité du vaccin que son innocuité.
La célérité inhabituelle qu’a connue le développement de ces vaccins est également sujette à contestation, sachant que la situation sanitaire gravissime que traversent plusieurs pays a contraint les autorités sanitaires à accélérer les démarches administratives. Les autorités sanitaires ont commencé le traitement des demandes d’AMM avant même la publication des résultats des essais cliniques pour que les campagnes de vaccination puissent commencer le plus tôt possible.
Au Maroc, pays qui n’a ménagé aucun effort pour protéger ses habitants et pour garantir la disponibilité des médicaments et des vaccins, la campagne des «complotistes» risque également de parasiter la campagne de vaccination à venir.
Les auteurs de ces campagnes se sont mis à critiquer le vaccin adopté par le Royaume. Certains ont remis en question l’efficacité des doses. Puis quand ces deux premiers arguments ne suffisent pas, ils essayent de faire peur en évoquant les effets indésirables hypothétiques. La facilité de communication via les réseaux sociaux et la lenteur de leur modération permettent une diffusion rapide et efficace des messages «toxiques».
Pour répondre à la question «Y-a-t-il un antidote contre les antivax ?», on ne peut que répondre par le négatif ! Mais, à défaut de pouvoir suivre tout ce qui se passe sur la Toile et retirer rapidement les messages comportant des inepties ou des contre-vérités, il faut que les professionnels de santé et les experts s’impliquent en diffusant des informations justes et provenant de sources solides. Quant à la communication officielle, elle doit être proactive, efficiente et empreinte de transparence. Cependant, ceci ne devrait pas nous empêcher de suivre de très près les vaccins anti-Covid-19, d’autant plus que les professionnels de santé ont le devoir de notifier au Centre national de pharmacovigilance les éventuels événements indésirables qui peuvent survenir chez les sujets vaccinés.
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Je dédie ce numéro à mon ami ABDELLAH BENCHIOUI, un pharmacien exerçant à Casablanca qui nous a quitté le samedi dernier.
Ssi Abdellah comme l’appelaient ses amis, a toujours été là pour eux et pour sa famille. Sa gentillesse et son éternel sourire resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Puisse Dieu, le Tout Puissant, accorder au défunt Sa Sainte Miséricorde.
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