Médicament et grossesse : Un professionnel de santé averti en vaut deux !
Par Abderrahim DERRAJI, Docteur en pharmacie
Une étude (1) publiée récemment au «British Medical Journal» vient, une fois de plus, nous rappeler que médicament et grossesse ne font pas toujours bon ménage.
Les auteurs de cette étude ont passé en revue les données de plus de 100.000 enfants dont les mères se sont vues prescrire un macrolide ou une pénicilline pendant leur grossesse. Les données recueillies par ces chercheurs ont été comparées à celles de plus de 80.000 enfants dont les mères avaient pris un macrolide ou une pénicilline avant qu’elles ne soient enceintes.
La comparaison de ces données a révélé que les malformations congénitales observées chez les enfants exposés aux macrolides sont plus nombreuses que chez les enfants dont les mamans ont été traitées par la pénicilline, soit 22 cas contre 17 cas pour 1.000 naissances.
Les chercheurs à l’origine de cette étude estiment que ces résultats devraient nous inciter à prescrire les macrolides avec prudence pendant la grossesse, et d’opter autant que possible pour une autre alternative thérapeutique jusqu'à la publication des résultats de nouvelles recherches.
Les macrolides sont couramment administrés aux femmes enceintes, notamment dans la prise en charge des bronchites, des angines et des infections génitales. Quant aux précautions d’utilisation des macrolides, elles varient d’un pays à l’autre. En France, par exemple, le recours à l’érythromycine est envisageable pendant la grossesse, ce qui n’est pas le cas de l’azithromycine qui est déconseillée au cours du premier trimestre, mais elle peut tout de même être administrée aux deuxième et troisième trimestres de grossesse. Quant à la clarithromycine, qui fait partie également de la famille des macrolides, elle est déconseillée chez la femme enceinte en raison d’un effet malformatif observé chez le rongeur, mais non confirmé chez l’humain en clinique.
Bien que ces macrolides ne fassent pas partie des médicaments (2) dont la tératogènicité est avérée comme c’est le cas du valproate, l’acitrétine, le diéthystilbestrol, l’isotrétinoïne, le misoprostol, le mycophénolate…, les résultats de cette étude doivent interpeller les professionnels de santé. Mais pour que ces derniers puissent se retrouver, il faut absolument qu’ils sachent, et ce, pour toutes les molécules mises sur le marché, s’ils peuvent les administrer ou pas à une femme enceinte.
Au Maroc, en dehors des mentions légales complètes qui doivent être théoriquement remises avec le matériel promotionnel, il n’existe aucune plateforme officielle permettant aux professionnels de consulter les Résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments comme c’est le cas en France où tous les internautes ont accès à une base de données mise en ligne par le ministère de la Santé (3). D’autres sites équivalents ont également été mis en ligne dans de nombreux pays.
Faut-il le rappeler, 10.000 cas de phocomélie ou d’agénésie ont été induits dans les années soixante du siècle dernier par le thalidomide (4) administré aux femmes enceintes. D’ailleurs, c’est ce drame qui a poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à organiser un programme de surveillance des médicaments et de créer, dès 1963, les Centres nationaux de pharmacovigilance dans 10 pays. Depuis 1971, ces entités sont sous la dépendance du Centre mondial de pharmacovigilance qui a été installé à Uppsala à partir de 1978.
Pour conclure, et en attendant que l’information soit disponible sur tous les produits, les professionnels de santé doivent rester vigilants et ne pas perdre de vue la locution latine : «primum non nocere».
Source :
1- https://www.lequotidiendupharmacien.fr
2- https://lecrat.fr/medicament.php
3- http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/
4- http://pharmacovigilance-npdc.fr
|