Article N° 8110

FMIIP PHARMA DAY

Collaboration Sud-Sud : Un levier essentiel pour améliorer l'accès aux médicaments en Afrique.

Abderrahim Derraji - 19 juin 2025 11:05

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière les failles structurelles des systèmes de santé à l’échelle mondiale, avec une acuité particulière en Afrique, où les inégalités entre pays sont apparues de manière flagrante. Toutefois, certains États, comme le Maroc, ont su faire preuve d’une résilience remarquable. Celle-ci s’est appuyée sur la mobilisation concertée de l’ensemble des acteurs du secteur pharmaceutique, ainsi que sur une coordination efficiente entre les différents ministères et institutions nationales.
 

Ces efforts conjoints ont permis d’assurer une campagne de vaccination à large échelle et de sécuriser les stocks stratégiques de médicaments et de produits de santé afin de de répondre à une demande inédite, tant en volume qu’en urgence.
 

Cette crise a également mis en évidence la dépendance aux importations pour des produits de santé essentiels, tels que les vaccins. Cette prise de conscience a été à l’origine de nouveaux investissements dans le  secteur. C’est dans cet esprit que le Maroc a lancé le projet Marbio, une usine de biotechnologie de dernière génération, que le Pr Samir Ahid, directeur général de l’Agence marocaine du médicament et des produits de santé (AMMPS), a qualifiée dans son discours de «vecteur de souveraineté sanitaire, catalyseur d’innovation et pilier de la sécurité nationale en matière de santé». Destinée à produire localement des vaccins et autres produits biologiques, cette infrastructure représente une avancée majeure. Même si l’économie d’échelle peut constituer un véritable défi, il n’en demeure pas moins que cette initiative stratégique renforcera l’autonomie sanitaire du Royaume, tout en contribuant à l’approvisionnement des pays partenaires en leur proposant des vaccins de qualité, accessibles et adaptés à leurs besoins.
 


 

L’accès aux médicaments a d’ailleurs été au centre des échanges le 23 mai 2025 à Casablanca, lors de la 6éme édition de la FMIIP - Pharma Day, organisée autour du thème : «Comment accélérer l’accès aux médicaments et aux vaccins en Afrique ?».
 

«Cette édition doit nous permettre de maintenir le cap vers une industrie pharmaceutique africaine ambitieuse, intégrée et tournée vers l’action. Il s’agit désormais de consolider les acquis et d’accélérer la mise en œuvre des solutions que nous avons collectivement conçues ces dernières années», a déclaré Mohamed El Bouhmadi, président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP).
 

En effet, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi, le Maroc s’affirme aujourd’hui comme un modèle en matière de politique pharmaceutique. Le Royaume a choisi de faire de la santé un pilier de son développement, en s’appuyant sur une industrie pharmaceutique robuste et résolument tournée vers le Continent.
 

Cette stratégie se traduit aujourd’hui par une capacité de production couvrant plus de 70 % des besoins en unités (environ 50 % en valeur), ainsi que par une expertise réglementaire qui devrait prochainement permettre au pays d’atteindre le niveau 3 de maturité réglementaire, selon les standards de l’OMS. L’atteinte de ce niveau constituera un levier décisif pour dynamiser les exportations, dans le cadre d’une coopération Sud-Sud à la fois réaliste et ambitieuse.
 

Néanmoins, produire des médicaments en Afrique ne suffit pas. Il est primordial d’être compétitif et de garantir la disponibilité dans des délais raisonnables. Cela suppose des réformes réglementaires en profondeur, la digitalisation des procédures, l’harmonisation des enregistrements à l’échelle du Continent, ainsi qu’une réduction des délais d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces chantiers conditionnent l’accès effectif aux médicaments.
 

Un autre enjeu structurant est celui de la propriété intellectuelle. Là où certains perçoivent les brevets comme un frein, d'autres y voient une opportunité de réconcilier innovation et justice thérapeutique. Les licences volontaires, les transferts de technologies et le développement de la recherche clinique en Afrique offrent des perspectives concrètes de conciliation entre ces impératifs. En effet, la protection de l’innovation ne peut se faire au détriment de l’équité en santé.
 

Dans un souci d’optimisation de l’utilisation des ressources disponibles et afin de garantir la pérennité des organismes payeurs, la promotion des médicaments génériques et des biosimilaires est essentielle. Ces médicaments permettent non seulement de réduire la pression sur les finances publiques, mais aussi de contribuer à une autonomie stratégique durable.
 

Le Maroc a déjà prouvé sa capacité d’innovation dans de nombreux secteurs. Pourquoi l’industrie pharmaceutique ne suivrait-elle pas la même voie ? Pourquoi ne pas imaginer une Afrique où les enfants de Dakar, Kigali ou Bamako bénéficient de traitements made in Africa, conçus par des talents du Continent pour répondre aux besoins de leurs propres communautés ? Ce rêve n’est plus une simple ambition: il devient une véritable feuille de route. Et Casablanca pourrait bien en être le point de départ.
 

Au-delà des dimensions industrielle et économique, ce combat est d’abord un combat pour la dignité. Le médicament, au-delà de sa fonction thérapeutique, devient un levier de justice sociale et un symbole de souveraineté.
 

«Lorsque nous quitterons cette salle, souvenons-nous que nous ne sommes pas venus assister à un événement de plus. Nous sommes venus écrire une page nouvelle : une page où l’Afrique place l’industrie pharmaceutique au cœur de ses politiques publiques — non comme un secteur économique parmi d’autres, mais comme un levier de dignité pour ses citoyens», a conclu Mohamed El Bouhmadi.
 

Aussi, la crise sanitaire mondiale a agi comme un révélateur, mettant en lumière les fragilités mais aussi les opportunités d’un secteur pharmaceutique africain en pleine transformation. Le Maroc, par sa vision stratégique, ses investissements ciblés et sa volonté de coopération régionale, s’impose progressivement comme un acteur clé de cette dynamique. L’enjeu dépasse la seule fabrication de médicaments : il s’agit d’un projet de société, fondé sur la souveraineté sanitaire, la solidarité continentale et la justice sociale. À l’heure où l’Afrique redéfinit ses priorités, l’industrie pharmaceutique devient non seulement un levier de développement, mais aussi un symbole d’émancipation.
Date de publication : 2025-05-27 

 

Source : PharmaNEWS