Il faut sauver les «petites pharmacies» !
Par Abderrahim Derraji, Docteur en pharmacie
Les pharmaciens se sont donné rendez-vous à Tanger pour prendre part à MEDEXPO, une manifestation organisée par SIGMApharm. Lors de la séance inaugurale de cette manifestation, le président de ce groupement d’intérêt économique (GIE), Nourredine Salami, a rappelé les objectifs de ce groupement, à savoir la mise en place de mécanismes permettant d’optimiser les achats groupés, de contribuer à la formation continue des pharmaciens membres et les accompagner au mieux pour leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier.
L’allocution prononcée par le président de SIGMApharm a été suivie par un discours de Hamza Guedira, président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP). Ce dernier a brossé un tableau de la situation compliquée que traverse la profession pharmaceutique.
Ce pharmacien de Rabat explique cette situation par la mise en application du Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments. Il a déploré la mise en application de ce texte en l’absence de mesures compensatoires censées atténuer son impact sur l’économie de l’officine. Malheureusement, les promesses du ministre de la Santé de l’époque se sont volatilisées !
Ces mesures auraient pu venir en aide aux petites officines et aux pharmacies rurales dont la situation économique ne cesse de se dégrader, ce qui est de nature à compromettre leur pérennité. La disparition de ces espaces de santé privera leurs patients d’un service de proximité qui, dans bien des cas, permet de pallier les défaillances du système de santé, particulièrement dans les zones enclavées. Le président du CNOP a terminé son discours en plaidant pour la sauvegarde de ces pharmacies.
En plus de la mise en place de mécanismes à même de réduire l’impact du Décret 2-13-852, les titulaires de ces pharmacies ont besoin d’être assistés, notamment en management et en gestion, deux éléments qui conditionnent la survie de ces officines. Les charges auxquelles le pharmacien doit faire face expliquent en grande partie les difficultés qu'il vit, sans compter que ce professionnel de santé doit, en plus, faire face à une concurrence déloyale, un effritement du monopole et aux nombreux dysfonctionnements qui affectent le circuit de distribution.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, les organismes professionnels vivent également une crise sans précédent. Le président du Conseil déplore le manque d’implication des représentants des pharmaciens dans différents projets, notamment le chantier de la couverture médicale universelle (CMU), qui impactera, sans nul doute, la pharmacie d’officine. Il a également évoqué le projet de régionalisation qu’il a qualifié de globalement satisfaisant à condition de le dépouiller de l'Instance permanente de consultation et d’accompagnement (IPCA) et de renforcer la légitimité du président du Conseil qui doit être élu par tous les pharmaciens inscrits aux tableaux de l’Ordre.
Les autres intervenants qui se sont succédé au président du CNOP, notamment Walid Amri, président du Syndicat des pharmaciens de Casablanca, ont tous souligné le rôle important joué par les pharmaciens depuis l’apparition de la pandémie actuelle.
Tout au long de cette période, les syndicats des pharmaciens ont tous revu à la hausse le nombre de pharmacies de garde afin de limiter les déplacements durant la période du confinement strict. Les officinaux n’ont également ménagé aucun effort pour garantir la disponibilité des médicaments, des dispositifs médicaux et des préparations alcooliques. Ils sont également venus en aide à certains malades chroniques dont les médecins traitants avaient été contraints de fermer leurs cabinets pour des raisons sanitaires.
Par ailleurs, les pharmaciens présents lors de ce premier MEDEXPO se sont interrogés sur les raisons qui pourraient justifier le défaut d’implication des officinaux dans le dépistage de la Covid-19. Pourtant, les officinaux auraient pu proposer des tests accessibles économiquement et géographiquement.
À l’instar des pays voisins, le Maroc aurait pu mettre à contribution les pharmaciens d’officine pour améliorer la couverture vaccinale des Marocains contre la Covid-19. Mais, ça n'a malheureusement pas été le cas. Pire, même le projet de les autoriser à vacciner contre la grippe saisonnière qui était dans le pipe est tombé à l’eau.
Qu'on le veuille ou pas, l’évolution des pratiques officinales restera tributaire du bon vouloir de l’administration tant que les instances ordinales ne se sont pas conformées aux textes qui les régissent et tant que les pharmaciens continuent à attendre une régionalisation dont la mise en place peut demander plusieurs mois, voire plusieurs années…
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