Peut-on éradiquer la leishmaniose au Maroc ?
Par Abderrahim DERRAJI
Le rideau vient de tomber sur la deuxième édition du Congrès franco-marocain de parasitologie et mycologie médicale, qui a eu lieu, du 1er au 3 février, à la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat.
Cette manifestation scientifique placée sous le thème «Les centres nationaux de références et systèmes de surveillance épidémiologique des maladies parasitaires et fongiques» a permis à de nombreux experts de débattre de plusieurs sujets dont certains représentent un enjeu majeur de santé publique comme c'est le cas pour la leishmaniose.
Cette maladie dont la recrudescence dans certaines régions du Royaume inquiète particulièrement les autorités sanitaires, est une parasitose commune à l’homme et à d’autres animaux et est due à des protozoaires flagellés, les leishmanies. Elle est transmise à l’homme par des phlébotomes femelles infectés. Il existe une vingtaine d’espèces différentes de Leishmania à travers le monde et plus de 90 espèces de phlébotomes capables de les transmettre.
Au Maroc, les leishmanioses cutanée et viscérale sont dues à Leishmania infantum qui sévit dans les régions montagneuses du Rif et du pré-Rif, région caractérisée par un climat humide et sub-humide. Quant à la Leishmania tropica et la Leishmania major, elles provoquent une leishmaniose cutanée qui sévit respectivement dans le versant ouest de la chaîne de l’Atlas, zone où le climat est semi-aride, et dans le versant sud et sud-est de la chaîne de l’Atlas et les oasis connus pour leur climat aride.
Pour lutter contre les différentes formes de leishmaniose, le ministère de la Santé a élaboré une stratégie nationale dont l’objectif est le dépistage de 80% des cas estimés de leishmaniose cutanée d’ici 2020 et l’éradication de cette maladie d’ici 2030. Cette stratégie nécessite une collaboration intersectorielle qui devrait permettre d’améliorer le dépistage et le diagnostic de cette maladie, de lutter efficacement contre le vecteur et les rongeurs, notamment en généralisant la collecte des ordures dans les zones touchées.
Le combat contre ces protozoaires risque, cependant, de se compliquer en raison de l’urbanisation effrénée et des déplacements de la population notamment dans des zones péri-urbaines où l’hygiène manque crucialement. Ceci vient s’ajouter à la déforestation, à la construction de barrages et à la mise en place de systèmes d’irrigation.
À défaut de pouvoir éliminer tous les rongeurs et les vecteurs, le dépistage et la prise en charge des patients affectés doivent figurer parmi nos priorités et pourquoi pas lancer des campagnes de sensibilisation destinées aux populations concernées, à l’image de l’expérience tunisienne qui a été présentée vendredi dernier par le professeur Karim AOUN (Institut Pasteur-Tunisie).
Pour améliorer les connaissances, la prise en charge et la prévention de la Leishmaniose cutanée, une bande dessinée intitulée «Le secret de Yamina», élaborée en collaboration avec le laboratoire Sanofi, a été mise à la disposition des habitants des régions concernées. Les initiateurs de ce projet se sont également fixés comme objectif de lutter contre la discrimination des enfants affectés par cette maladie et certaines fausses idées qui circulent au sujet de la leishmaniose.
In fine, pour espérer éradiquer un jour la leishmaniose de notre pays, on doit profiter des expériences entreprises par les pays voisins, ce qui ne devrait pas nous dispenser de trouver les solutions les plus adaptées à nos régions. Et sans une collaboration entre tous les intervenants, le combat risque d’être perdu d’avance…
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