Doit-on faire grève?
Par Abderrahim DERRAJI
Ils sont venus.
Ils sont tous là.
Dès qu'ils ont entendu ce cri.
Elle va mourir, la mamma.
Ils sont venus.
Ils sont tous là.
Même ceux du sud de l'Italie.
Y a même Giorgio, le fils maudit…
Cette triste et belle chanson écrite par Robert Gall, composée et interprétée par Charles Aznavour en 1963, semble décrire ce que vit notre profession depuis plus d’une décennie.
Aujourd'hui, on peut légitimement se poser les questions suivantes : " qui est responsable de cette situation ?" et "peut-on encore sauver notre profession ?"
En ce qui concerne la première question, les responsabilités sont partagées. Cela va du pharmacien, qui n’a pas pris conscience que l'image de marque de sa profession est étroitement liée à sa réputation et à ses pratiques, au responsable qui se perd dans les méandres d’un quotidien façonné par les guéguerres intestines au point de lui faire oublier ses engagements, ses prérogatives et même ses devoirs.
Quant à la deuxième question, la réponse ne peut être qu’affirmative puisque nul ne peut imaginer ou accepter la disparition d’une profession qui rend autant de loyaux services.
Oui, on peut sauver la profession en commençant par faire preuve de solidarité le 7 mars 2017, jour où les pharmaciens de Casablanca baisseront le rideau pour attirer l’attention sur leur situation.
Cette action revendicative déclenchée par le non respect des horaires, aurait du logiquement être menée pour plein d'autres raisons :
Pour commencer, la profession souffre du retard pris pour la mise en application de certains articles de la loi 17-04. Les dispositifs stériles, par exemple, continuent à se vendre en dehors des pharmacies en attendant que l’administration veuille bien se prononcer au sujet de la pharmacopée de référence.
Ensuite, le circuit légal du médicament n’est toujours pas respecté. Les dernières arrestations et condamnations de trafiquants de médicaments devraient interpeller les responsables de l’ordre sanitaire sur une situation qui s’aggrave de jour en jour.
Et pour finir, la situation économique des pharmacies constitue également un motif de taille pour observer cette grève. En effet, le défaut d’une politique de régulation des créations de pharmacies est à l’origine de l’augmentation exponentielle de leur nombre. Cette progression effrénée et inédite combinée aux conséquences de la mise en application du nouveau décret de fixation des prix des médicaments risque d’assener le coup de grâce aux pharmaciens.
Toutes ces raisons, et elles ne sont pas les seules, devraient logiquement nous pousser à nous unir pour trouver des solutions pour nous sortir du pétrin. La prochaine grève qui sera un test grandeur nature pour apprécier la capacité de mobilisation des syndicats de pharmaciens, ne peut nous dispenser d’une stratégie efficiente dont la finalité est de sauver la pharmacie en l’aidant à s’adapter à son environnement.
Contrairement à la chanson d’Aznavour notre «mamma» ne va pas, et ne pourra pas mourir, pas uniquement parce qu’aucun système de santé ne peut se passer de pharmaciens, mais aussi par ce qu’il y a de bonnes volontés, des pharmaciens qui aiment leur profession et qui ne demandent qu’à la défendre et à la servir…
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