ANTIBIOTIQUES : UN TRESOR PRÉMATURÉMENT DÉLAPIDÉ...
Lors de la 67e Assemblée mondiale de la Santé, une résolution incitant l’OMS à diriger des travaux permettant l'élaboration d’un projet de plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens, a été adoptée. Ce projet sera présenté au Conseil exécutif de l'OMS en janvier 2015 avant sa présentation définitive lors de la 68e Assemblée mondiale de la Santé qui se tiendra au mois de mai prochain.
Cette phase a été précédée par une large concertation visant à connaître les points de vue de tous les intervenants : organisations, institutions, réseaux, groupes de la société civile, autorités nationales et ministères concernés, ainsi que tout organe qui peut représenter les opinions de parties prenantes ou de groupes d'intérêt.
Cette décision fait suite à la publication du rapport sur la résistance aux antimicrobiens, publié par l'OMS en avril 2014. Ce rapport inquiétant, révèle que cette grave menace n’est plus qu’une simple prévision, mais bel et bien une réalité dont personne n’est à l’abri.
Et comme l'a déclaré le Dr Keiji Fukuda, Sous-Directeur général de l’OMS pour la sécurité sanitaire : « à moins que les nombreux acteurs concernés agissent d’urgence, de manière coordonnée, le monde s’achemine vers une ère postantibiotiques, où des infections courantes et des blessures mineures qui ont été soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer».
En effet, les multi résistances concernent de plus en plus de microorganismes, à l'image de Klebsiella pneumoniae (KP), source d'infections nosocomiales, qui est devenue résistante aux carbapénèmes chez un malade sur deux traités pour une infection à KP. Un autre exemple, l' E. coli qui a acquis la capacité de résister aux quinolones qui étaient efficaces à 100% lors de leur mise sur le marché, il y a seulement 3 décennies. D'autres germes inquiètent particulièrement les infectiologues comme le gonocoque résistant aux céphalosporines de 3e génération et le Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM).
Certains pays s'impliquent de plus en plus dans la surveillance de ces phénomènes. Le réseau de surveillance de la résistance aux antimicrobiens en Asie centrale et en Europe orientale (CAESAR) nouvellement créé permettent le suivi de ces résistances à travers tous les pays européens.
En attendant la mise en place du plan mondial d'action, nous pouvons tous œuvrer pour inverser cette tendance inquiétante. Les professionnels de santé devraient, non seulement veiller à la moindre utilisation des antibiotiques, mais s'ériger en vrais militants pour préserver ces molécules, notamment en informant les citoyens qui ne sont pas tous conscients que l'insouciance d'une minorité risque de mettre péril toute la collectivité.
Quant aux responsables politiques, ils ne peuvent faire l'économie d'une large contribution pour lutter efficacement contre la résistance aux antibiotiques. Ils doivent renforcer le suivi de ces résistances, réglementer l’utilisation des antibiotiques et promouvoir leur moindre usage ou au moins leur usage rationnel.
Et eu égard à la raréfaction des nouveaux antibiotiques, les états doivent aussi adopter des mesures incitatives pour encourager l’innovation et la recherche-développement nécessaires à la mise sur le marché de nouveaux antibiotiques avec un SMR favorable.
Au Maroc, en dehors de quelques rares initiatives individuelles, nos efforts collectifs ne sont pas à la hauteur des risques encourus. Ni la recrudescence des maladies nosocomiales, ni l'augmentation du taux de résistance aux antibiotiques de certains germes, ne semblent avoir raison de notre léthargie coutumière. On ose espérer que les professionnels de santé finiront par prendre les devants car il y va de l'avenir de toute l'humanité.
Abderrahim DERRAJI
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