Le droit dans tous ses états !
Par Mohamed MEIOUET, Docteur en pharmacie et Docteur en droit.
Depuis quelque temps, les réseaux sociaux ont relayé la correspondance 248/2018 datée du 20 mars 2018 qui a été adressée par le président du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) au ministre de l’Intérieur. Le président du CNOP sollicite à travers cette dernière l’intervention des autorités locales en vue de procéder au contrôle de la présence des pharmaciens au sein de leurs officines et de signaler, le cas échéant, les professionnels qui seraient en porte à faux avec les dispositions de la loi régissant l’exercice de la pharmacie, ce qui permettrait de prendre les mesures qui s’imposent contre ces pharmaciens.
Cette problématique relative à l’absentéisme des pharmaciens de leurs officines revient, d’une manière récurrente, à la fois dans les discussions et dans les discours. Il est donc tout à fait légitime de s’inquiéter sur la qualité et la sécurité des actes pharmaceutiques accomplis en l’absence du pharmacien, de surcroît quand cet absentéisme devient chronique. Les pouvoirs publics garants de la sécurité sanitaire imposent une foultitude de règles de droit dont l’objet est de sécuriser les actes médicaux, biologiques et pharmaceutiques.
S’agissant des actes pharmaceutiques, le législateur a prévu, à cet effet, un arsenal de mesures (loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie) qui obligent le pharmacien à exécuter lui-même les actes pharmaceutiques et à veiller à leur contrôle quand ils sont pratiqués par des collaborateurs, à gérer lui-même son officine, à ne pas cumuler des périodes d’absences assez longues, etc. Autant d’obligations assorties de sanctions, dont l’objectif ultime étant la garantie de la santé des citoyens.
Loin de vouloir interférer dans le fonctionnement de l’instance ordinale et dans ses prises de décision, il est de bon droit de commenter le contenu de cette correspondance devenue publique, dès lors qu’elle a été relayée par les moyens électroniques de communication.
Les recommandations et les sollicitations émises dans le cadre de cette correspondance risquent de toucher et de compromettre la situation juridique des pharmaciens, dans la mesure où elles s’inscrivent en dehors du champ des compétences d’attribution que le législateur a tracées pour chacune des institutions devant intervenir dans le cadre de l’application des dispositions de la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie, ainsi que pour le contrôle de leur respect par les pharmaciens.
Le droit de la pharmacie et à travers le titre 3 de la loi 17-04 dispose que les officines de pharmacie, les réserves de médicaments dans les cliniques, les établissements pharmaceutiques, les dépôts de médicaments sont placés sous le contrôle de l'inspection de la pharmacie relevant du ministère de la Santé. Lequel contrôle consiste, entre autres, à veiller à l'application des dispositions de ladite loi et des textes pris pour son application.
De plus, le Dahir portant loi instituant un Ordre des pharmaciens dispose dans son article 37 que « le Conseil est habilité à ordonner une enquête sur les faits dont la constatation lui paraîtrait utile à l’instruction d’une affaire disciplinaire dont il est saisi ou pour laquelle il peut agir d’office ».
Toute autre intervention s’inscrit donc dans un cadre extra-légal, et risquerait dès lors de compromettre, voire d’anéantir la sanction à prendre dans le cadre de la compétence disciplinaire de l’Ordre des pharmaciens.
Le droit impose à l’ordre de veiller à son respect, et il ne faut pas omettre que la bonne application du droit est une obligation qui trouve sa source dans le droit lui-même.
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