LE SORT DE LA PHARMACIE D’OFFICINE AU MAROC
Par M Mohamed Chattou - Pharmacien / économiste exerçant à Meknès
Une bonne pratique de la pharmacie exige que le bien être du patient dans toutes les situations et du public en général soit la principale préoccupation du pharmacien. Elle doit s’attacher à fournir des médicaments répondant aux normes internationales de fabrication et de conservation ; ainsi que d’autres produits de soins de santé et de services et à en faire le meilleur usage possible.
Pour se faire la profession doit disposer d’un code moderne, avant-gardiste, élaboré par les pouvoirs publics en concertation active avec les représentants de la profession pour répondre à leurs attentes socio-économiques, juridiques et professionnelles.
Actuellement la profession est en crise; Elle fait part de son inquiétude du marasme que traverse le secteur pharmaceutique.
Mais ils nous semble judicieux de se poser un certain nombre de questions : comment évolue la situation économique de l’officine ? Quelles sont ses marges de manœuvres financières ?, quelles sont les évolutions de la réglementation encadrant l’exercice officinal ?
Pour répondre à la problématique on se basera sur une étude récente réalisée à partir d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la profession de pharmacie d’officine du royaume.
Cette étude analyse les évolutions structurantes de l’environnement économique, financier et réglementaire de la pharmacie d’officine. Il ressort de cette étude que :
A- SUR LE PLAN STATISTIQUE
ANALYSE DU CHIFFRE D’AFFAIRES
50% de pharmacies réalisent un C.A. annuel compris entre 500.000.DHS et 1.250.000.DHS
75% de pharmacies réalisent un C.A. annuel inférieur à 1.500.000.DHS.
LE CA moyen par pharmacie et par année tend à régresser et se situe
aux alentours de 1.155.000.DHS (année 2002).
LE CHIFFRE D’AFFAIRES CRITIQUE est estimé à 907.000.DHS.
Statistiquement on constate que le nombre croissant de créations de pharmacies d’officine, ne tenant compte que du chaînage uniquement, tendent à faire régresser le chiffre d’affaires moyen dans la mesure où ces pharmacies nouvellement créées réalisent un C.A.moyen très largement inférieur à 700.000.DHS.
B- SUR LE PLAN STRUCTUREL DES BILANS
En rapprochant les différents éléments du bilan, on constate que :
51% de pharmacies présentent un déséquilibre financier structurel majeur.
11% de la catégorie A n’ont pas réussi à redresser leur situation et font ou feront l’objet d’une liquidation judiciaire.
28% de la catégorie A toujours rencontrent des difficultés sérieuses et se trouvent dans une situation économique et financière trop dégradée pour poursuivre leur activité et risquent de faire l’objet d’un redressement voir liquidation judiciaire ; car leur passif cumulé est probablement très largement supérieur à leur actif disponible.
26% de pharmacies (catégories B et C) présentent un déséquilibre financier conjoncturel, et sont tenus d’assainir impérativement leur passif pour ne pas basculer dans la catégorie A.
8%de pharmacies (catégories E et F) présentent une situation financière saine ; en général ce sont des pharmacies très anciennes et dont le CHIFFRE D’AFFAIRES est largement supérieur à 3.000.000.DHS.avec un FONDS DE ROULEMENT largement supérieur à zéro.
C- SUR LE PLAN FINANCIER
L’analyse des ratios de LIQUIDITÉ GENRALE (= 0,75 <1) et de la LIQUIDITE IMMEDIATE (= 0,35 <1) témoignent des difficultés financières rencontrées par les pharmacies à régler leurs dettes à court et moyen termes.
D- SUR LE PLAN DE LA RENTABILITÉ
1- Marge commerciale moyenne = 27,15% au lieu des 30%.
2- Marge brute d'exploitation= 8,15% ; sa faiblesse engendre le risque de voir progresser le taux d’endettement et la dégradation de la structure financière de la pharmacie.
3-Taux de rentabilité brute globale = (-) 26% ; témoigne du mauvais choix économique d’investissement dans la création d’une pharmacie en se basant uniquement sur le chaînage sans tenir compte de la densité de la population ni de l’étude du marché.
AUTRES INDICATEURS
Les nouvelles créations progressent de 17 par an.
LE CA moyen subit une baisse annuelle et continue de 7,50%.
Les frais financiers bancaires accusent une hausse moyenne de 12,75%.
La rotation des encours fournisseurs est de 106 jours (au lieu de 30 jours).
Les charges de personnel ont subi une baisse moyenne de 3%. Elle traduit le licenciement
économique et le non recrutement par les par les pharmaciens nouvellement installés.
Les recettes fiscales accusent une baisse moyenne de 13.4%.
Les bénéfices nets d'impôt ont chuté de 11,30%.
L’âge moyen des pharmaciens est de 36 ans.
La consommation moyenne par an et par habitant est de 200 DHS.
la lumière de ces indications, il est impératif d’entreprendre des actions concrètes en concertation avec les pouvoirs publics afin d’améliorer la situation économique et sociale de la profession ; car la crise structurelle qu’elle traverse est matérialisée par le nombre grandissant de faillites déclarées ou non, la perte de confiance des créanciers (en particulier les BANQUES) qui hésitent ouvertement à accorder des crédits de création d’officine ou de consolidation.
En effet et lors d’une nouvelle création les banques n’accordent plus de crédits sur simple nantissement de fonds de commerce mais exigent expressément des hypothèques immobiliers ; sachant qu’elles ne sont pas économiquement viables et au bout de quelques années elles sont mises à la vente sur le marché sans pour autant trouver preneur malgré l’arrivée sur le marché d’un nombre croissant de pharmacien nouvellement diplômés.
Par contre s’agissant des pharmacies dont le CHIFFRE D’AFFAIRES est supérieur à 1.500.000.DHS les banques financent leur transfert en suivant les garanties d’usage à savoir le nantissement de fonds de commerce.
LES RECOMMANDATIONS SOCIO-ECONOMIQUES :
La première mesure : à entreprendre c’est que la création d’une pharmacie d’officine doit répondre à un critère économique et financier en instituant impérativement à coté des 300 mètres, de point à point, un NUMERUS CLAUSUS (6000 habitants pour une pharmacie d’officine) ; seuls garants de la pérennité et la viabilité de l’officine.
La deuxième recommandation : c’est l’institution des produits génériques sous forme d’un protocole d’accord ETAT- PHARMACIE avec un droit de substitution accordé aux pharmaciens. La politique des génériques a un double avantage, d’une part, et comme l’A.M.O. obéit à des contraintes financières les pharmaciens contribueront à réduire l’utilisation abusive des médicaments onéreux par l’effet de substitution et aideront les patients à gérer leur médication, d’autre part, elle améliorera le taux de marge du pharmacien.
La troisième recommandation : et pour aller dans le sens de l’A.M.O., les pouvoirs publics et nos instances professionnelles doivent instaurer une caisse professionnelle d’assurance et de prévoyance des risques avec un régime de retraite. Ce dernier permettra à long terme de réguler le marché de la profession et une relève naturelle.
L’instauration de cette caisse d’assurance et de retraite est bénéfique pour les deux parties dans la mesure où elle va constituer une épargne non négligeable pour l’ÉTAT au vue de l’age moyen des pharmaciens qui exercent (36 ans) et une transmission de fonds de commerce par le biais de la retraite obligatoire du pharmacien.