LES MÉDICAMENTS PERIMES
ES-SEMMAR Rachid  ex pharmacien inspecteur directeur du LNCM
- 6 avril 2004 -

DEFINITIONS :
On parle de « périmés » pour désigner les médicaments dont la date  limite d’utilisation ou de validité est échue. Exprimée en mois et en  année, la péremption doit se traduire par un arrêt ferme et irrévocable  de  la consommation potentielle du médicament. En effet,  les  indications thérapeutiques  contenues dans  la notice, ou prospectus, telles qu’approuvées en commission de visa du MSP ne peuvent plus être assurées en toute sécurité. Les risques de dégradation du produit pouvant donner  naissance à des métabolites inactifs ou toxiques pour la santé du malade.

DETERMINATION DE LA DATE DE PEREMPTION
La péremption, ou validité, correspond ainsi au nombre d’années maximum d’exploitation pharmaceutique du médicament.

Elle se déterminait par une méthode technique de vieillissement accéléré,  où le médicament à évaluer ( avant son autorisation en commission de visa )  était exposé à une température de 42° pendant 10 jours. On procédait alors  aux analyses  journalières des constantes du protocole officiel  pour   apporter la preuve de  leur intangibilité  dans le temps. Par  extrapolation de la  courbe temps et des constantes, il était alors possible de déterminer la date théorique de la péremption qui était appliquée dans les faits.

Cette méthode  a été par la suite abandonnée au profit d’une autre basée sur une observation du phénomène de péremption en temps réel.(avant son autorisation en commission de visa ) Les médicaments sont rangés dans une échantillothèque dans des conditions normales de stockage,  température et degré d’humidité, puis soumis aux  analyses des constantes du dossier technique pour en évaluer l’invariabilité en temps réel. Cette opération est effectuée périodiquement tous les trois ou six mois, jusqu’à apparition des métabolites de dégradation. De sorte qu’un produit taxé de 3 ans de péremption est un produit qui a démontré, au préalable, sa stabilité réelle pendant cette période de 3 ans. Il s’agit en fait d’une confirmation de la mise en forme galénique du médicament par l’expert signataire du protocole officiel de validation du dossier technique du médicament en question  .

En pratique, les délais d’instruction en commission de visa des dossiers prenaient beaucoup plus de temps pour les génériques fabriqués localement que pour les produits sous licence. Pour les premiers, les examens de validation  et les études de stabilité se faisaient pour la première fois au niveau de la conception initiale  du dossier de visa  , alors que les seconds ne faisait que confirmer ceux qui avaient été réalisés dans le ou les pays d’origines. Il y a lieu de relever toutefois, la prédisposition et l’engagement des génériqueurs  à s’entourer de toutes les garanties possibles pour le succès de leurs entreprises et de  leurs gammes sur le plan qualité. Ceux-ci respectant d’ailleurs sans réserve cette  contrainte  technique supplémentaire qui ne pouvait que relever l’image de marque du label qualité au Maroc, au même titre que les pays leaders en la matière. Aussi, conformément aux orientations politiques du MSP, et aux plans de développement sociaux-économiques de notre pays, les génériques n’ont pas été combattus mais promus et encadrés techniquement sur le plan qualité par le  LNCM. Ce dernier a pleinement assumé son rôle et ses responsabilités vis à vis du pays, du consommateur et de la profession pharmaceutique comme l’attestent les évaluations et études réalisées en coopération internationale.                                        

Sans doute faut-il souligner que les AMM ne sont pas de simples autorisations administratives mais de véritables évaluations  techniques qui engagent fermement le MSP qui a un rôle de garant de l’efficacité thérapeutique  et de la sécurité d’emploi des médicaments  dans notre pays.

La date de péremption ne peut donc subir de variation que sur justification d’études de stabilité complémentaire et après revalidation par la commission de débit des spécialités pharmaceutiques.

La péremption ne peut dépasser théoriquement 5 ans qui est le délai prévu pour le renouvellement des autorisations de débit.

La péremption doit être imprimée en clair, sur le conditionnement extérieur et intérieur du médicament.

Remarque : dans le cas particulier des matières premièresla péremption correspond à la date limite d’utilisation avant recontrôle conformément à la procédure interne validée du producteur de matière première.

DETENTION ET DELIVRANCE :
ASPECT JURIDIQUE :  
Dans le cadre de son activité professionnelle quotidienne, le pharmacien du secteur privé ou public, est souvent confronté au problème des périmés. Le dahir portant loi N ° 1-76-432 du 25 safar 1397 (15 février  1977 ) modifiant et complétant le dahir  de 1960 sur l’exercice pharmaceutique dans son article 15 quatre stipule : « Il est interdit de procéder à quelque titre que ce soit , à la délivrance ou au débit d’une spécialité atteinte par péremption d’utilisation »     C’est donc bien la délivrance, et non la détention, qui est répréhensible dans les textes régissant l’activité pharmaceutique.

C’est l’élément fondamental à faire prévaloir auprès de l’inspection pharmaceutique, seule autorité légale et compétente au suivi technique du secteur.                          

Le dahir N ° 1-83-108 du 5 octobre 1984 portant promulgation de la loi 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises interdit catégoriquement la détention des produits périmes. L’application de ce dahir qui régit les activités du ministère de l’agriculture concerne en fait les locaux extérieurs aux officines, grossisteries, industries pharmaceutiques, hôpitaux, centres de santé, dispensaires, cabinets médicaux, et cliniques privés. Il y a lieu de bien noter que les inspecteurs de la répression des fraudes du ministère de l’agriculture  sont les auxiliaires des inspecteurs de la pharmacie et non l’inverse, ce qui préservent les prérogatives et attributions du MSP qui restent entières.

CAUSES DE L’EXISTENCE DES PERIMES :
Elles peuvent être diverses et multiples car la détention est liée aux  importantes commandes qui se traduisent par un sur-stockage, à la baisse d’activité, aux mauvaises prévisions, à la diminution des prescriptions, au mauvais suivi et aux fluctuations non maîtrisables des stocks, aux suppressions progressives des produits, aux retours et aux récupérations, produits des tableaux B. Les inventaires fréquents permettent de déterminer les volumes et les valeurs de ces périmés.

Aussi, une bonne gestion correspond au taux le plus faible possible des périmés  par rapport au stock constant. L’idéal étant : Stock des périmés = ZERO  

ASPECTS PRATIQUES SECURITAIRES DE DETENTION ET DE STOCKAGE:
SITES INDUSTRIELS :

Une zone distincte doit être réservée au stockage des produits refusés, rappelés ou retournés (entendre les périmés ). Le personnel répondant aux  procédures et critères  décrits et prévus dans les fiches Fonctions  sera habilité à assumer la responsabilité de  la gestion de ces stocks en vue de leur destruction. Ce personnel, sous l’encadrement direct du Pharmacien responsable, exécutera  les procédures écrites et le cas échéant les comptes rendus des mesures prises pour les nouveaux arrivages des périmés et les sorties en vue de leur destruction après accord du service de l’assurance qualité.

Les Bureaux Municipaux d’Hygiène valideront par procès verbal la destruction des périmés. Les inspecteurs de la pharmacie valideront  par procès verbal la destruction spécifique des produits du tableau  B en raison  de l’engagement du service des stupéfiants du MSP qui est tenu à une comptabilité nationale et internationale de ces produits conformément à la convention de Genève.                                                                                 

SITES DE DISTRIBUTION : 
Les critères applicables aux industries sont valables pour les grossisteries qui sont soumises à la même démarche administrative.                                                 

SITES DES OFFICINAUX : 
La même approche  administrative doit être observée concernant la détention des produits périmés dont la présence éventuelle à l’officine est normalement liée à la gestion usuelle et courante d’une activité officinale normale. La présence des périmés dans les officines  ne doit pas être perçue comme une anomalie ou faute grave mais  comme un fait inhérent à la gestion personnelle de l’officine comme le prévoit à juste titre la réglementation. Aussi, faudrait-il peut-être considérer le taux de pourcentage des périmés, par rapport au chiffre d’affaires, pour pouvoir déterminer un seuil de  normalité significatif…. Il nous paraît toutefois difficile d’avancer des chiffres comme valeurs référentielles compte tenu des différents paramètres qui peuvent influer sur l’importance du stock de périmés…

REMARQUE :

Suite à la condamnation de notre confrère Ben Abderrazik sur la base du dahir de la répression des fraudes de 1984  pour détention et non-délivrance de médicaments périmés, la  profession avait réagi auprès du département de la santé qui a été amené  à promulguer la circulaire N°42 DRH /10  du 14 / 06 /1996.

En fait cette circulaire répondait beaucoup plus aux attentes des industriels qui étaient directement concernés par le risque de voir le cas de notre confrère industriel Ben Abdérrazik  se généraliser au reste du secteur de l’industrie pharmaceutique.

Pour éviter  toute équivoque, la circulaire en question apportait les clarifications indispensables qui confirmait l’autorisation de la détention des périmes et leur isolation dans des aires de stockages spécifiques. Des registres doivent être prévus et des inventaires effectués deux fois par an, délai d’un an à partir de la date de péremption, nonobstant les délais nécessaires à leur récupération par les représentants pharmaceutiques, les visiteurs médicaux déclarés ainsi que les  préposés des établissements pharmaceutiques, pour engager les procédures de destructions auprès des autorités compétentes ( les Bureaux Municipaux d’Hygiènes BMH dans le cas général et les Inspecteurs de la pharmacie dans le cas particulier des médicaments du tableau B.

LES PROCEDURES  DE DESTRUCTION :
Il y a lieu de noter la particularité et l’importance de l’aspect FISCAL qui doit être pris en considération pour les périmés sachant qu’il peut conditionner l’évolution de leur cheminement. En effet, « l’Avoir » qui est établi par un fournisseur, est une pratique commerciale courante et non pas une contrainte légale.

REMARQUE:

L’avoir est une pratique commerciale et non une contrainte légale.

- Les procès verbaux de destruction des périmés  exprimés en unités et en valeur  délivrés par les bureaux municipaux d’hygiène, constituent une alternative à faire prévaloir auprès du fisc.

-   Les procès verbaux de destruction des produits du tableau B, exprimés en unités et en valeur, délivrés par les inspecteurs de la pharmacie,  constituent une vérification et une mise en concordance  de la balance des stupéfiants utilisés dans le cadre de  l’exercice professionnel.

-  Ce tableau est assez expressif dans la mesure où il fait apparaître  clairement le  volet péremption qui ne peut être considéré comme  une particularité du secteur de la pharmacie. Le stock des périmés est une réalité dans tous les départements qui font usage du médicament : secteur public hospitalier et ambulatoire, secteur privé cabinets  et cliniques etc…Étant tous égaux devant la loi, cette dernière doit rester valable et applicable à tout le monde.

CONCLUSION :

Les lois régissant les activités pharmaceutiques sont claires pour les professionnels du médicament. En effet, seule la délivrance est répréhensible et non la détention qui reste soumise à des procédures internes de destruction confirmées et  renforcées par la circulaire N°42 DRH du 14 /06 /1996. Les répercussions économiques peuvent être importantes si la gestion  et le suivi des stocks ne sont nullement assurés de manière soutenue selon les critères  de la bonne gérance aussi bien officinale, qu’industrielle que de distribution. C’est à l’exploitation des bilans de fin d’année que l’on reconnaît la valeur et la compétence des bons gestionnaires. Les acteurs concernés étant bien identifiés, les responsabilités bien délimitées, et les procédures clairement arrêtées. Les inspecteurs de la pharmacie  veilleront donc  au respect de la loi et des procédures légales mises en place pour lever  toute équivoque sur l’existence et le devenir des périmés.