Etudes de bioéquivalence chez l'homme
(Source: http://apps.who.int)
Les études de bioéquivalence sont destinées à comparer le comportement in vivo d'un médicament multisources à celui du médicament de référence. Souvent, le produit à évaluer et le produit de référence sont administrés successivement à des volontaires avec un intervalle approprié entre les deux. Cet intervalle est choisi de façon à assurer l'élimination complète du médicament administré lors du premier traitement avant l'administration du second traitement. Des échantillons de sang et/ou d'urine sont prélevés juste avant l'administration et à intervalles convenables par la suite, en vue du dosage du principe actif et/ou d'un ou plusieurs métabolites. Le profil de ces concentrations en fonction du temps chez chaque sujet de l'étude donne une indication sur la façon dont la substance est libérée par le produit à évaluer et le produit de référence et sur son absorption dans l'organisme. Pour comparer les deux produits, on trace les courbes de concentration dans le sang (y compris le plasma ou le sérum) et/ou l'urine, et on calcule certains paramètres de bioéquivalence, comme la surface sous la courbe (AUC) et la concentration maximale. Les résultats obtenus pour chaque sujet sont soumis à une analyse statistique. Cette approche générale est exposée plus en détail dans les paragraphes qui suivent.

Sujets
Choix des sujets
La population des sujets retenus pour une étude de bioéquivalence doit être aussi homogène que possible. Ces études sont donc généralement effectuées sur des volontaires en bonne santé afin de limiter les causes de variabilité étrangères aux médicaments testés. Des critères précis d'inclusion/exclusion doivent être établis. Si possible, on choisira des sujets des deux sexes; toutefois, les risques pour les femmes devront être examinés au cas par cas; celles-ci devront éventuellement être prévenues des risques pour le fœtus en cas de grossesse. Les sujets doivent normalement être âgés de 18 à 55 ans et leur poids doit être compris dans la fourchette normale pour leur âge, selon les tables reconnues. Ils doivent de préférence être non-fumeurs et ne pas avoir d'antécédents d'alcoolisme ou de consommation de drogues. Si des fumeurs sont inclus dans une étude, ils doivent être identifiés en tant que tels. Les volontaires doivent être soumis à des tests de laboratoire, à une anamnèse et à un examen physique pour vérifier leur aptitude. Au besoin, des examens spéciaux seront pratiqués avant et pendant l'étude en fonction de la pharmacologie du médicament soumis à l'essai.

Si l'étude de bioéquivalence vise à répondre à des questions spécifiques (par exemple, à démontrer la bioéquivalence dans une population particulière) les critères de sélection devront être adaptés en conséquence.

Génotype/phénotype
Pour des raisons de sécurité, il peut être envisagé d'établir le phénotype et/ou le génotype du sujet.

Malades ou volontaires sains
Si le principe actif a des effets indésirables connus et si les effets pharmacologiques ou les risques sont jugés inacceptables pour des volontaires sains, il peut être nécessaire d'utiliser des malades sous traitement. Le promoteur de l'étude doit expliquer les raisons de ce choix.

Suivi des sujets pendant l'étude
La santé des volontaires doit être surveillée tout au long de l'étude, de façon à pouvoir noter la survenue d'effets secondaires, d'une toxicité ou d'une maladie intercurrente et de prendre les mesures appropriées. Le contrôle de la santé des sujets avant, pendant et après l'étude doit être placé sous la responsabilité d'un médecin qualifié autorisé à exercer sur le territoire où a lieu l'étude.

Conception
Conception générale de l'étude

L'étude doit être conçue de façon à réduire la variabilité chez un même sujet ou entre sujets et à éviter les résultats biaises. La normalisation des conditions (exercice, régime, absorption de liquides, posture, réduction de la consommation d'alcool, de caféine, de certains jus de fruits et d'autres médicaments avant et pendant l'étude) est importante pour réduire autant que possible la variabilité de tous les facteurs excepté ceux concernant le médicament étudié.

Une étude croisée avec répartition aléatoire des volontaires dans chaque groupe constitue la méthode de choix. Toutefois, la conception de l'étude dépendra du type de médicament; dans certains cas, d'autres modèles peuvent être préférables, par exemple pour les médicaments aux propriétés très variables ou dont la demi-vie biologique est longue. Dans les études croisées, il est habituel de ménager une période d'élimination au moins égale à cinq fois la demi-vie de la substance dominante entre l'administration du produit à évaluer et celle du produit de référence, mais il peut être nécessaire de prolonger cette période s'il se forme des métabolites actifs ayant une demi-vie plus longue ou dans d'autres circonstances particulières.

Les conditions d'administration du produit doivent être normalisées: les prises doivent avoir lieu à heure fixe, avec un volume de liquide défini (souvent 150 ml) et à jeun.

Paramètres à évaluer
Dans les études de biodisponibilité, on détermine le plus souvent la vitesse et le taux d'absorption en examinant la forme de la courbe de concentration dans le plasma et la surface sous cette courbe, ou le profil de l'excrétion rénale cumulative et la vitesse d'excrétion. L'horaire des prélèvements ou les intervalles entre ceux-ci doivent être choisis de façon à pouvoir définir correctement le profil de la concentration en fonction du temps et calculer les paramètres pertinents. Les paramètres de biodisponibilité désirés, comme AUC∞, AUCt, Cmax, tmax, Ae∞ Aet, dAe/dt ou tout autre paramètre nécessaire (voir appendice 2) sont calculés à partir des résultats bruts. La méthode de calcul des valeurs de AUC doit être spécifiée. AUC∞ Cmax sont considérés comme les paramètres les plus intéressants du point de vue de la bioéquivalence. Pour la mesure de l'excrétion urinaire, les paramètres correspondants sont Ae∞ et dAe/dtmax. Pour obtenir des informations complémentaires, il est possible de calculer t1/2 et MRT. Pour les études à l'équilibre, on peut calculer AUCT et le pourcentage de fluctuation entre les maxima et les minima de concentration. L'utilisation exclusive de paramètres modélisés n'est pas recommandée à moins que le modèle pharmacocinétique n'ait été validé pour le principe actif et les produits finis.

Considérations supplémentaires applicables aux médicaments complexes
Lorsqu'un médicament risque d'avoir des effets pharmacologiques inacceptables chez des volontaires (par exemple des effets secondaires graves), ou s'il s'agit d'un médicament toxique, particulièrement actif ou devant être administré à dose élevée, il peut être nécessaire de procéder à des études croisées, ou parfois à des études en parallèle, sur des malades.

Pour les médicaments dont la demi-vie biologique est longue, il peut être nécessaire d'effectuer une étude sur des groupes parallèles ou avec des doses multiples ou d'utiliser la technique de troncature de la surface sous la courbe (AUCt). La surface tronquée doit couvrir la phase d'absorption.

Les médicaments qui passent rapidement dans la circulation générale peuvent nécessiter le prélèvement d'un plus grand nombre d'échantillons au voisinage de tmax.

Des études multidoses peuvent être utiles pour évaluer la bioéquivalence dans les cas suivants:

Nombre de sujets
Le nombre de sujets nécessaire pour une bonne étude de bioéquivalence dépend de la variance des paramètres primaires à étudier (déterminée lors d'une expérience pilote, à partir d'études antérieures ou à partir de la littérature), du niveau de signifiance souhaité et de l'écart acceptable par rapport au médicament de référence du point de vue de la bioéquivalence, de la sécurité et de l'efficacité. Ce nombre doit être calculé à l'aide de méthodes appropriées; normalement, il ne devrait pas être inférieur à 12. Dans la plupart des cas, il faudra réunir 18 à 24 sujets (7-9). Le nombre de sujets recrutés doit toujours être justifié.

Produits soumis à l'étude
Les échantillons d'un médicament soumis à une étude de bioéquivalence aux fins d'homologation doivent être identiques au produit dont la commercialisation est projetée. Outre la composition et les caractéristiques de qualité (y compris la stabilité), il faut donc que les méthodes de fabrication soient identiques à celles qui seront appliquées lors de la production normale.

L'idéal serait que les échantillons soient prélevés sur des lots produits à l'échelle industrielle. Si cela n'est pas possible, des lots de production pilote ou à petite échelle peuvent être utilisés à condition que leur taille ne soit pas inférieure à 10% de celle des lots normaux de production.

Il est recommandé que l'activité et les caractéristiques de dissolution in vitro du produit à évaluer et du produit de référence soient déterminées avant de procéder à l'étude d'équivalence. La teneur en principe(s) actif(s) des deux produits ne devrait pas différer de plus de 5%. Si l'activité du produit de référence s'écarte de plus de 5% de la quantité déclarée (100%), cette différence peut être prise en compte par la suite pour normaliser les résultats de certains paramètres de biodisponibilité en fonction de la dose, de façon à faciliter les comparaisons entre le produit à évaluer et le produit de référence.

Etude des métabolites

L'utilisation des données relatives aux métabolites dans les études de bioéquivalence exige des précautions. En général, la bioéquivalence sera déterminée en mesurant la concentration de la substance pharmacologiquement active, et éventuellement de ses métabolites actifs. Si la substance active ne peut être dosée, on pourra utiliser un produit de biotransformation important. Si la substance administrée est un précurseur de médicament, cette méthode est la seule utilisable. Lorsque la mesure porte sur le taux d'excrétion urinaire, le produit dosé doit représenter une fraction importante de la dose. Si le dosage d'un métabolite actif important est généralement acceptable, le dosage d'un métabolite inactif ne peut que rarement se justifier.

Dosage des différents isomères des substances chirales
Actuellement, on considère que les dosages non sélectifs du point de vue stéréochimique sont acceptables pour les études de bioéquivalence. Dans certaines circonstances, il peut cependant être nécessaire d'adopter une méthode permettant de distinguer les énantiomères d'une substance chirale.

Validation des méthodes d'analyse
Toutes les méthodes d'analyse doivent être bien caractérisées, parfaitement validées et documentées. Elles doivent répondre aux normes pertinentes de spécificité, d'exactitude, de sensibilité et de précision. La connaissance de la stabilité de la substance active et/ou de ses produits de biotransformation dans l'échantillon est indispensable pour obtenir des résultats fiables (10). Il est à noter que:

Les résultats de la validation doivent être consignés.

Echantillons de réserve
Des échantillons suffisants de chaque lot des médicaments utilisés pour l'étude, avec leurs caractéristiques et le résultat des analyses effectuées, doivent être conservés pour référence dans des conditions appropriées, conformément à la réglementation nationale. Les autorités compétentes peuvent demander que ces échantillons de réserve leur soient remis pour une nouvelle vérification des produits.

Analyse statistique et critères d'acceptation
Considérations générales

Lors de l'évaluation de la bioéquivalence, le principal souci doit être de limiter à une valeur jugée acceptable par les autorités de réglementation le risque (α) de conclure à tort que deux médicaments sont équivalents.

Les méthodes statistiques qui ont actuellement la préférence sont la méthode des deux tests unilatéraux (11) et le calcul d'un intervalle de confiance paramétrique ou non paramétrique à 100 (1-2α)% pour le quotient µT/µR du produit à évaluer et du produit de référence. La valeur de α est fixée à 5%, ce qui, dans le cas d'une étude paramétrique, conduit à l'intervalle de confiance à 90% le plus étroit (classique) fondé sur une analyse de la variance ou, dans le cas d'une étude non paramétrique, aux intervalles de confiance à 90% (12, 13).

Les méthodes statistiques doivent être spécifiées avant le début de la collecte des données (voir appendice 3). Elles doivent aboutir à un arbre de décision symétrique en ce qui concerne les deux formulations (autrement dit, la décision doit être la même, que la nouvelle formulation soit comparée au produit de référence ou vice versa)

Les concentrations et les quantités relatives aux concentrations, par exemple AUC et Cmax, doivent être analysées après transformation logarithmique; en revanche, tmax n'est généralement pas soumis à une telle transformation avant analyse.

Pour tmax, les statistiques descriptives doivent normalement être indiquées. Si tmax est soumis à une analyse statistique, celle-ci doit être fondée sur des méthodes non paramétriques. D'autres paramètres peuvent aussi être évalués par des méthodes non paramétriques, auquel cas on donnera des statistiques descriptives qui n'impliquent aucune hypothèse spécifique concernant la distribution, par exemple des médianes au lieu des moyennes.

Les hypothèses qui sous-tendent la conception de l'étude ou l'analyse doivent être examinées, de même que la possibilité de différentes variantes de formulation. Ces recherches doivent porter notamment sur les effets périodiques, les effets séquentiels ou reportés et l'homogénéité de la variance.

L'impact des observations anormales sur les conclusions doit également être examiné et il faut rechercher les causes médicales ou pharmacocinétiques de ces observations.

Plages d'acceptation

En ce qui concerne AUC, l'intervalle de confiance à 90% doit généralement être compris dans la plage d'acceptation de 80 à 125%. Pour les médicaments dont la plage thérapeutique est particulièrement étroite, la plage d'acceptation de AUC peut être plus faible et cette décision doit être justifiée cliniquement.

Dans bien des cas, Cmax n'est pas un très bon indicateur du taux d'absorption, mais aucun autre paramètre fondé sur la concentration ne semble présenter des avantages déterminants. La plage d'acceptation de Cmax peut être plus large que celle de AUC (voir appendice 3).

Compte rendu des résultats

Le compte rendu d'une étude de bioéquivalence doit comporter une documentation complète sur le protocole, la conduite de l'étude et son évaluation, conformément aux bonnes pratiques cliniques (BPC) pour l'essai des médicaments (5). Les différentes sections du rapport doivent être signées par le ou les responsables de l'étude. Les noms et qualités des responsables, le lieu de l'étude et les dates entre lesquelles elle s'est déroulée doivent être indiqués. Le nom et les numéros de lots des médicaments utilisés ainsi que la composition du ou des produits évalués doivent être précisés. Le rapport de validation des méthodes analytiques doit être joint au compte rendu. Les résultats des essais de dissolution in vitro doivent être fournis. En outre, le demandeur doit soumettre une déclaration signée confirmant que le produit évalué est identique à celui dont l'homologation est demandée.

Tous les résultats doivent être présentés clairement. La méthode de calcul des paramètres utilisés (par exemple AUC) à partir des données brutes doit être indiquée. Toute suppression de données doit être justifiée. Si les résultats sont calculés à l'aide de modèles pharmacocinétiques, le choix du modèle et de la méthode de calcul doit être justifié. Pour le tracé des courbes de concentration plasmatique en fonction du temps, on utilisera une échelle linéaire/linéaire. Il est également possible d'utiliser une échelle semi-logarithmique. Toutes les données individuelles et les résultats correspondants doivent être indiqués, y compris pour les sujets n'ayant pas participé à l'étude jusqu'à son terme. Les abandons en cours d'étude doivent être signalés et pris en compte. Les résultats des essais effectués sur des échantillons représentatifs doivent être inclus.

Le rapport statistique doit être suffisamment détaillé pour qu'il soit possible de répéter au besoin les analyses statistiques. Si les méthodes statistiques appliquées s'écartent de celles qui sont spécifiées dans le protocole d'essai, les raisons de cet écart doivent être indiquées.