CONDITIONS DE CONSERVATION DES MÉDICAMENTS
DESTINÉS À LA MÉDECINE HUMAINE

Abdelkader El Jabri / Docteur en Pharmacie
Taourirt

Le respect de la chaîne du froid, la conservation et le stockage des médicaments sont des fonctions sui generis du pharmacien.

Divers agents peuvent altérer un médicament, dont la chaleur, le gel, la lumière, l’humidité, l’air, les radiations… Le non-respect des conditions de conservation sur une longue période remet en cause la date de péremption et, par conséquent, l’efficacité du produit ; le produit concerné doit être détruit. Cependant, sur une courte période, il est parfois possible de l’utiliser après renseignement auprès du laboratoire.

Les conditions de conservation optimales nécessitent un équipement adéquat. Outre un réfrigérateur destiné exclusivement à la conservation des médicaments et équipé d’un thermomètre, il est souhaitable de s’équiper d’un système de climatisation adapté.

Remarques préliminaires

1- Les termes retenus par la Pharmacopée européenne (3e édition – 1997) relatifs à la température de conservation :
Congelé ou au congélateur : < - 15 °C
Réfrigéré ou au réfrigérateur : + 2 à + 8 °C
Au frais : + 8 à + 15 °C
A température ambiante : + 15 à + 25 °C.

2- La mention « conserver au frais », indiquée pour certains médicaments dont les suppositoires et les ovules, est difficile à obtenir en officine. Il est conseillé en pratique de stocker, durant la saison chaude, ces médicaments au réfrigérateur (+ 2 à + 8 °C) sauf mention contraire.

3- Sous nos climats, il est difficile de parler de température ambiante (+ 15 à + 25 °C). Durant l’été, la température dépasse largement les 30 °C.

4- La mention « à l’abri de la chaleur », souvent mentionnée sur le conditionnement des suppositoires, ovules, collyres… et/ou principes actifs thermo-sensibles, signifie que la température de conservation doit être inférieure à + 30 °C.

5- La mention « à l’abri de l’humidité », souvent mentionnée sur le conditionnement des sachets, comprimés effervescents, comprimés dispersibles, poudres et granulés pour sirop, bandelettes réactives et autres farines et laits en poudre, signifie que le produit en question doit être conservé dans un endroit sec (en dehors du réfrigérateur).

6- Il faut signaler que pour la plupart des médicaments il existe un conditionnement primaire adapté à la température et au taux d’humidité du pays et que respectent les fabricants. Ainsi le Maroc est classé « Zone tropicale ». Les études de stabilité sont faites d’ailleurs dans ce sens.

7- En général, sauf exception, les médicaments dérivés du sang, les vaccins, les hormones de croissance, les insulines, les allergènes et les mélanges nutritifs ne doivent pas être congelés.

Cas particulier: Les vaccins

Dans notre pays où la température ambiante est élevée durant une bonne partie de l’année, la bonne conservation des vaccins, et donc le respect de la chaîne du froid, sont des éléments importants de la réussite des programmes de vaccination.

On connaît les limites de la stabilité des vaccins aux écarts de la température. A des températures comprises entre 22 et 25 °C, les toxines tétanique et diphtérique sont stables pendant plusieurs mois ; le vaccin anticoquelucheux pendant quinze jours ; le vaccin polio oral perd 50% de son pouvoir vaccinal après 20 jours ; le vaccin lyophilisé antirougeoleux conserve une efficacité suffisante pendant 1 mois tandis que le vaccin contre l’hépatite B reste stable pendant 30 jours. Les écarts de température ont des effets cumulatifs. L’efficacité d’un vaccin sera d’autant plus altérée par de mauvaises conditions de conservation qu’il aura été soumis auparavant à des ruptures de la chaîne du froid, lors du transport, par exemple.

En somme, trois facteurs sont indispensables pour conserver convenablement les vaccins :

L’insuline

L’insuline est sensible à la chaleur, au gel et à la lumière. Elle est stable à 25 °C pendant 24 à 36 mois. Modalités de conservation :

- Flacons et cartouches non entamées : la durée de conservation est de deux ans au frais, de préférence entre + 2 à + 8 °C. Le grand froid et le gel dénaturent fortement les suspensions d’insuline (insuline intermédiaires ou lentes).

- Tout flacon conservé pendant plus de 72 heures à une température supérieure à + 35 °C perd progressivement son activité hypoglycémiante, particulièrement dans le cas des suspensions.

- Flacons et cartouches entamés : la durée de conservation est de trois semaines (1 mois pour certaines) à température ambiante (+ 20 à + 22 °C). Tout flacon entamé depuis plus de un mois doit être jeté.

Les collyres

Non entamés, les collyres doivent être conservés à une température inférieure à + 25 °C. Pour les flacons ouverts, la monographie « collyres » de la pharmacopée française comporte, depuis janvier 1992, une mention très claire dans son chapitre relatif à l’étiquetage : « l’étiquette du récipient indique dans le cas des récipients multidoses, la durée d’utilisation comptée à partir de l’ouverture du récipient, après laquelle le contenu ne peut être utilisé. Cette durée ne dépasse pas 4 semaines, sauf exception justifiée et autorisée ». Douze ans après (2004 !), cette norme – légale et arbitraire - n’est pas encore toujours indiquée par tous les fabricants. Il paraît donc nécessaire d’en informer le patient. Cela pourra éviter le gaspillage et induire quelques économies.

Les préparations

La conservation des préparations magistrales exige des précautions particulières car elles ne renferment pas de conservateurs et autres agents de stabilité. Ainsi, les pommades, crèmes, gels… et autres préparations magistrales à appliquer sur la peau doivent être conservés au frais. En l’absence de données officielles, nous proposons de porter sur l’étiquetage de ces préparations la mention « conservation limitée » ainsi qu’une date limite d’utilisation n’excédant pas un à trois mois en fonction de la préparation et de la température ambiante.

Certaines préparations officinales ont une durée de conservation courte dont la liqueur de Dakin (15 jours). Quant à l’étiquette de l’alcool iodé, elle doit porter la mention : « VALIDITE MAXIMUM 15 JOURS » (Circulaire n° 77/DAT/PH du 18 février 1987).