INTERVIEW DE MME NOUZHA SKALLI
Député & Pharmacienne - Janvier 2007

Pharmacies.ma: Le code du médicament et de la pharmacie (CMP) a été adopté le lundi 17 janvier2006, comment résumez-vous la genèse de ce code et surtout quels sont les moments forts de ces deux dernières années?

Réponse de Nouzha Skalli:
Ce nouveau code intervient donc 45 ans après le dahir du 19 février 1960 et après plusieurs décennies de discussions, de projets et de projets, discutés amendés et restés dans les tiroirs alors que les différents ministres de la santé se succédaient sans avoir réussi à débloquer le code.
Donc aujourd’hui je pense qu’il y a lieu de saluer la naissance au forceps de ce code qui, tel qu’il a été amendé et adopté à l’unanimité, sans prétendre à la perfection, n’en constitue pas moins une avancée incontestable pour la profession et pour le secteur de la pharmacie.
Les pharmaciens ont joué un rôle important par leur mobilisation et leur engagement qui ont été exemplaires, pour attirer l’attention sur la crise que vit la profession mais aussi par leur travail en tant que force de proposition pour élaborer des propositions à travers lesquelles ils ont largement sensibilisé l’ensemble des groupes parlementaires.

Les amendements présentés aussi bien par les groupes de la majorité que par l’opposition ont reflété ce travail.
Le Ministre de la Santé a pour sa part su faire preuve d’écoute et de dialogue à l’égard des amendements proposés. Le débat a parfois été vif mais a toujours été constructif.
Tant et si bien que le projet adopté peut être considéré quelque part comme le fruit d’une contribution de tous : du Ministère de la santé bien sûr (Ministre et cadres), du SGG qui est également une voix qui compte, de l’instance parlementaire mais aussi de la profession pharmaceutique à travers l’ensemble de ses composantes et particulièrement la Fédération Nationale des Syndicats des pharmaciens du Maroc.
Il y a lieu de dire que la mise en œuvre de ce code sera également ce que les professionnels, les pouvoirs publics et les autres partenaires en feront dans la pratique.

N’oublions pas que les pouvoirs du Conseil de l’ordre ont été renforcés de façon importante. Les pharmaciens doivent rester mobilisés et resserrer leurs rangs autour de leurs organismes professionnels représentatifs : Syndicats et Conseil de l’ordre, pour préserver le secteur et le mettre à niveau afin qu’il puisse contribuer pleinement à la réalisation des objectifs de santé au service de la population.

Pharmacies.ma: Que pensez-vous de la mouture du code qui vient d'être adoptée?

Réponse de N.S:
Je pense sincèrement qu’il constitue un progrès certain et une mise à niveau du cadre juridique dans lequel évolue la profession dans toutes ses composantes. N’oublions pas qu’il y a l’industrie pharmaceutique pour qui ce code va constituer un véritable bol d’oxygène à travers la libéralisation du capital aussi bien dans la fabrication que dans la distribution ce qui ne manquera pas d’attirer les investissements nationaux et étrangers.

Les mesures positives sont nombreuses et pour n’en citer que quelques unes :

• Renforcement et élargissement du monopole pharmaceutique
• Les pharmacies intérieures des cliniques ont été abandonnées et remplacées par des réserves de médicaments pour l’usage intérieur et qui doivent être gérés sous le contrôle d’un pharmacien à plein temps ou d’un pharmacien conventionné, installé dans la même commune que la clinique, et avec l’aval du conseil de l’ordre. Autre garde fou : aucun pharmacien ne peut être conventionné avec plus d’une clinique !
• La distance de trois cent mètres à vol d’oiseau a été adoptée et permettra d’éviter les difficultés du chaînage pour les nouveaux installés
• La possibilité de gérer une pharmacie sous forme de SARL avec un seul ou plusieurs pharmaciens a été accordée.
• Enfin les prérogatives du Conseil de l’Ordre ont été très étendues et incluent l’autorisation d’exercer qui relèvera dorénavant de son ressort.

?Concernant les conditions d’exercice de la pharmacie la porte a été ouverte au recrutement de pharmaciens assistants à titre obligatoire à partir d’un seuil de Chiffre d’affaire mais aussi à titre optionnel pour assister le pharmacien titulaire.

- L’art 123 ouvre la possibilité de prolonger la durée du remplacement au-delà de 15 mois dans des cas particuliers sur autorisation de l’administration. Ce point en particulier a fait l’objet de débats très tendus et ce n’est que dans les heures qui ont précédé l’adoption du code qu’une solution a pu être trouvée.
- Le remplacement lors d’une absence inférieure à un mois nécessite seulement l’information du Conseil de l’Ordre et l’administration.
- La durée de la gestion de l’officine par les ayant droits en cas de décès a été portée à 18 mois au lieu de 12 mois auparavant.
- Enfin, les sanctions prévues dans la première mouture ont été allégées.

Pharmacies.ma: Quels sont selon vous, les amendements importants voire vitaux qui n'ont pas pu être apportés?

Réponse de N.S:
Je citerai bien sûr le Numérus clausus qui a fait l’objet d’un projet d’amendement des groupes de la majorité aussi bien que des groupes de l’opposition, mais qui a été refusé .

Toutefois le gouvernement par la voie du Ministre de la santé s’est engagé à aller dans le sens de la réalisation de cet acquis à travers la confection d’une carte sanitaire comportant l’ensemble des données sur le plan de la santé et qui servira d’outil d’analyse et de planification.

Je pourrais aussi citer le lait nourrisson 2ème âge qui sera dorénavant en vente aussi bien en officines qu’en dehors de celles-ci ce qui ne manquera pas de donner satisfaction au lobby des grandes surfaces. Nous avons défendu ce point non pas tant pour le bénéfice tirés de cette vente qui sont presque insignifiants que pour des arguments liés à la santé des enfants comme la facilité de retrait des stocks distribués dans le réseau pharmaceutique en cas de problème de fabrication.

Pharmacies.ma: Que pense Nouzha Skalli l'ancienne présidente de la Fédération de la mobilisation de la profession, en d'autres termes est ce que nos représentants ont été à la hauteur du défi qui leur a été lancé?

Réponse de N.S: 
Je trouve que les pharmaciens et les pharmaciennes se sont mobilisés de façon admirable.

Ils n’ont ménagé aucun effort pour faire entendre leur voix et ils peuvent être fiers de cela. Ils ont organisé une multitude de tables ronde, conférences, journées d’études, congrès , sit-in. Les deux grèves réussies à 100% c’était de l’inédit. 2005 restera dans les anales de la profession. Cette épreuve a contribué à la maturité du corps pharmaceutique.

Aujourd’hui le niveau de mobilisation ne devrait pas baisser car la mobilisation doit être mise à profit pour contribuer à d’autres actions citoyennes au service de la santé et du développement humain de notre pays.

Toutefois pour ne pas dire que tout est rose, il y a un point regrettable : j’aurais aimé que la Fédération et le conseil de l’ordre agissent en synergie et dans le respect du rôle de chacun en jouant sur la complémentarité plus que sur la rivalité.

Pharmacies.ma: Les élections du Conseil Régional des pharmaciens du Sud (CRPOS) viennent de se tenir sans qu'aucune pharmacienne ne soit élue comme membre titulaire, est ce que ce n'est pas un signe de régression de nos instances?

Réponse de N.S:
J’ai le souvenir d’une parole de feu Moulay Ahmed Alaoui que Dieu aie son âme qui avait, lors d’un congrès des pharmaciens à Casablanca, déploré que les femmes ne soient pas placées au devant de la salle : il avait dit en substance : « vous avez la chance d’être une profession où il y a tant de femmes et vous ne mettez pas en avant cet atout ! » C’est vrai que plus de 40% des pharmaciens sont des pharmaciennes et il est incontestable que la mixité des instances favorise leur vitalité et leur dynamisme, leur proximité à l’égard des professionnels mais aussi et c’est bien connu cela favorise aussi leur transparence en matière de gestion. Sans compter que c’est aussi un signe de modernité et de civisme.

Quel dommage de ne pas en profiter ….

Pharmacies.ma: Nous savons que le projet de régionalisation du Conseil de l'Ordre vous tient à cœur, est ce que ce projet a des chances d'aboutir en 2006?

Réponse de N.S:
Bien sûr , c’est une question qui se pose aujourd’hui de façon impérative! Car le conseil de l’ordre a aujourd’hui avec le nouveau code des prérogatives très importantes et il est absolument nécessaire de procéder à sa mise à niveau en terme de modalités d’élections, d’organisation et de gestion pour lui permettre de mieux encadrer les pharmaciens sur les plans éthique et déontologique.

J’avais identifié cette lacune déjà quand j’étais à la tête de la Fédération (il y a maintenant presqu’une dizaine d’années) et je m’étais dit que c’était vraiment une mesure prioritaire pour la profession.

C’est pourquoi, il y a plus d’un an que j’ai déposé une proposition de loi au parlement à ce sujet au nom de mon groupe parlementaire, le groupe de l’Alliance Socialiste. Les cadres techniques du Ministère de la santé m’ont aimablement apporté leur collaboration à la rédaction de la proposition de loi et ceci à la demande de Monsieur le Ministre Biyadillah. Cela montre qu’il est favorable à cette idée. D’ailleurs il a souvent déclaré que ce texte sera adopté aussitôt après l’adoption du code de la pharmacie.

J’ai vraiment l’espoir que ce texte sera adopté durant l’année 2006.

Pharmacies.ma: Est-ce que vous souhaitez rajouter quelque chose?

Réponse de N.S:
Oui, je voudrais vous féliciter chaleureusement et sincèrement pour la plus value et l’excellent service que vous apportez à la profession à travers le site pharmacies.ma qui est devenu une référence incontournable pour la pharmacie au Maroc. Un grand Bravo à toi cher confrère Abderrahim Derraji et à toute l’équipe !

Pharmacies.ma: L'année 2006 vient de commencer quels sont vos vœux pour les pharmaciens?

Réponse de N.S:
Nouzha Skalli: je voudrais souhaiter à tous les confrères et consœurs la santé, le bonheur et la prospérité mais je voudrais aussi leur souhaiter que notre belle profession aie encore de beaux jours à vivre dans un Maroc de progrès, de modernité et de développement.