MESURES HYGIÈNO-DIÉTÉTIQUES ET RAMADAN
Ilham El mansouri*, Asmaa Bendahmane*, Wafaa Badre**, A. Bellabah**, A. Cherkaoui**
* Résidente ** Professeur *** Professeur et chef de service
Service d’hépato-gastro-entérologie CHU Ibn Rochd Casablanca
INTRODUCTION:
Tous les ans, près d’un milliard de musulmans observent le jeûne depuis l'aube jusqu'au crépuscule durant le neuvième mois lunaire « Ramadan » pendant une période de 29 à 30 jours. Le jeûne est obligatoire pour les sujets sains, et seuls les malades, les femmes enceintes ou allaitantes, les vieillards et les voyageurs en sont dispensés.
Pendant ce mois, Le renoncement à toute nourriture solide contraint l'organisme à se brancher sur ses réserves internes et on observe des modifications du rythme de vie qui portent essentiellement sur l’horaire des prises alimentaires, le sommeil et la vie professionnelle. Le jeûne a aussi des conséquences biologiques et médicales importantes à connaître et parfois difficiles à gérer.
L’objectif de ce travail est de passer en revue les grandes conséquences du jeûne et d’en tirer quelques conseils pratiques.
MODIFICATIONS COMPORTEMENTALES AU COURS DU RAMADAN:
Le mois de Ramadan se caractérise par un certain nombre de changements dans le comportement et les habitudes du jeûneur :
Pendant le mois de Ramadan, trois paramètres qui concernent les repas changent : il s’agit de l’horaire de leur prise qui est exclusivement nocturne, leur fréquence qui est en général de 2 repas (rupture du jeûne, dîner et pour certains un troisième repas: le shour) et de leur qualité et quantité (1, 2). On remarque en général une alimentation riche en protides et en lipides, avec une augmentation de la consommation de sucres à assimilation rapide et une consommation faible d’eau et de crudités. Le régime est également pauvre en légumes, fruits, avec une forte consommation d’excitants (thé, café, cigarettes, jus d’orange...) (1, 3, 4).
De tels comportements alimentaires ont des répercussions notables sur la santé, principalement sur l’axe gastro-intestinal, puisqu’on note une recrudescence des troubles dyspeptiques (ballonnements, régurgitations, nausées…) et une prévalence accrue de constipation (1, 5). Dans une étude rapportée par Laraqui (6), les troubles digestifs augmentent de façon significative pendant le Ramadan, atteignant 33,1 % des personnes, contre 14,7 % en dehors de cette période. Une déshydratation est aussi fréquemment retrouvée (3, 7) et le risque de colique néphrétique est plus important (5).
Pendant le Ramadan, On note une augmentation de la latence d’endormissement, une diminution de la durée totale du sommeil de deux à quatre heures avec un sommeil court et fractionné (3, 7, 8). Les stades profonds du sommeil (stade 3 et 4), importants pour la récupération physique de l’organisme et pour les fonctions cognitives telles que la mémoire et la concentration, sont également nettement diminués (8).
Ceci induit une réduction des performances psychiques et de la vigilance au cours de la journée et une augmentation de la somnolence diurne. Ces différents facteurs sont incriminées dans des troubles divers tels que la baisse du rendement au travail, les accidents de la circulation ou de travail, l’irritabilité (1, 5, 8). Ils sont également incriminées dans l’apparition de céphalées au cours des premières semaines du jeûne (1, 5).
Le changement brusque qui accompagne le jeûne, ne va pas sans influencer la condition physique des sujets investis dans des efforts physiques réguliers ou occasionnels, intenses ou réduits (9). Pendant le jeûne, les performances physiques sont nettement diminuées que ce soit pour les sportifs de haut niveau ou les sportifs dit « occasionnels » (1, 9, 10). Cette diminution est très nette dans les deux premières semaines avec un retour à la normale et une stabilisation par la suite témoignant d’un phénomène d’adaptation de l’organisme (1, 10).
En pratique, pendant le mois de Ramadan, il est plus raisonnable d’éviter une activité physique intense, surtout en fin de journée car elle peut être à l’origine d’accidents (malaise hypoglycémique) et avoir un impact négatif sur la santé des jeûneurs (9, 10).
Une étude réalisée par le centre psychiatrique universitaire de Casablanca portant sur le lien qui peut exister entre le jeûne et l’irritabilité, a soumis 100 volontaires sains à un questionnaire. Les résultats obtenus ont montré une augmentation significative du degré d’irritabilité dans l’échantillon au cours du Ramadan avec un maximum au cours de la 4ème semaine de Ramadan et un retour à la normale au cours de la semaine qui suit Ramadan.
Cette irritabilité n’est vraisemblablement pas liée au jeûne lui-même mais aux caractéristiques des personnes. En effet, elle augmente beaucoup plus chez les fumeurs, chez les sujets jeunes et chez les sujets qui consomment beaucoup d’excitants (café, thé) (5).
Enfin, les troubles du sommeil sont eux aussi incriminés dans l’apparition de l’irritabilité (3, 5).
REGLES GENERALES A RESPECTER AU COURS DU RAMADAN (4, 5, 11):
La quasi-totalité des troubles observés au cours du mois de Ramadan peut être évitée en respectant certaines règles hygiéno-diététiques de base :
PRESCRIPTION MEDICAMENTEUSE AU COURS DU RAMADAN:
Pour les maladies chroniques compliquées ou déséquilibrées, il est parfaitement établi qu’elles sont aggravées par le jeûne et l’abstention du jeûne s’impose (tableau 1) (11). Pour les autres maladies, cette décision est étudiée au cas par cas en fonction de la maladie et du désir du malade.
Au cours du mois de Ramadan, on note souvent une altération de l’efficacité thérapeutique et ceci est souvent du à des problèmes d’observance médicamenteuse (11, 12).
Pour bien cerner ce problème, il est nécessaire de répondre à deux pôles : les aspects religieux et scientifiques.
CONCLUSION:
Le Ramadan, qui doit être une période de recueillement et de piété, est devenu, en pratique courante, un mois de veillées nocturnes et d’excès de table qui nuisent à la santé du jeûneur et entraînent des troubles de l’alimentation, du sommeil et de la vigilance.
La meilleure stratégie reste la prévention et ceci en observant une bonne hygiène de vie.
BIBLIOGRAPHIE:
1- Khalfallah T., Chaari N., Henchi M.A., Abdallah B., Ben chikh R., Saafi M.A., Akrout M. Évaluation de l’impact du jeûne du mois du Ramadan sur la charge physique de travail Arch. mal. prof., 2004, 65, n° 7-8, 564-570
2- Roky R., Hakkou F. Changements observés au cours du Ramadan les cahiers du médecin Tome I, n°6, Décembre 1997
3- Sobhani I., Rigaud D., Merrouche M., Vatier J. Les modifications digestives et nutritionnelles induites par le jeûne du Ramadan Exigences méthodologiques et pertinence des observations scientifiques. Gastroenterol. Clin. Biol., 1997, 21, 811-812
4- Houti IE. Ramadan et alimentation. Les cahiers du médecin Tome VI, n°56, Octobre 2002
5- Tazi A. Comportement du jeûneur pendant le Ramadan. Les cahiers du médecin Tome VI, n°56, Octobre 2002
6- Laraqui Ch., Tripodi D., Laraqui O., Rahal A., Chaubet A. Influence des habitudes alimentaires et de la qualité du sommeil sur le travail pendant le mois du Ramadan. Arch. Mal. Prof., 2001, 62, 115-120.
7- Garcia F., Auger S., Le Goaziou M.F. Le médecin face au jeûne du Ramadan La revue du praticien- Médecine générale. Tome13. N° 480 du 6 Décembre 1999
8- Roky R. Sommeil et vigilance pendant le Ramadan. Les cahiers du médecin Tome VI, n°56, Octobre 2002
9- Moussamih S. Ramadan et performance physique. Les cahiers du médecin Tome VI, n°56, Octobre 2002
10- Moussamih Kettani S., Tazi A. Ramadan et performances physiques. Les cahiers du médecin Tome I, n°6, Décembre 1997
11- Adil N., Hakkou F. Les thérapeutiques pendant le Ramadan. Les cahiers du médecin Tome I, n°6, Décembre 1997
RESUME:
Le Ramadan constitue une période incontournable de la vie islamique. Pendant ce mois lunaire, on assiste à un changement notable des habitudes de vie des jeûneurs. Ces changements concernent en particulier les habitudes alimentaires et de sommeil qui peuvent avoir des répercussions sur le travail, la vigilance et la santé en général.
Ce travail passe en revue ces différentes modifications et propose des recommandations préventives pratiques. Il faut enfin garder à l’esprit que si le jeûne ne semble pas perturber un organisme sain, il induit chez les sujets porteurs d’affections chroniques, une déshydratation, une aggravation de leurs pathologies mais surtout il donne lieu à des modifications de l’observance médicamenteuse.
SUMMURY :
The Ramadan constitutes an essential period of the Islamic life. During this lunar month, there are notable changes of the practices of life of the fasters. These changes relate in particular to the food practices and sleep which can have effects on work, vigilance and health in general. This work reviews these various modifications and proposes practical preventive recommendations. It is finally necessary to keep in mind that if the fast does not seem to disturb the organization of a healthy person, it induces at the subjects carrying chronic affections, a deterioration of their diseases and modifications of the medicamentous observance.