RAMADAN
Réponses à quelques questions au sujet du Ramadan
Abderrahim Derraji pharmacien d'officine à Mohammedia 22 septembre2006
Quelles sont les conséquences médicales du jeûne ?
Pendant le mois de Ramadan, Le renoncement à toute nourriture solide contraint l'organisme à se brancher sur ses réserves internes et on observe des modifications du rythme de vie qui portent essentiellement sur l’horaire des prises alimentaires, le sommeil et la vie professionnelle. Le jeûne a aussi des conséquences biologiques et médicales importantes à connaître et parfois difficiles à gérer.
Pendant le mois de Ramadan, trois paramètres qui concernent les repas changent : il s’agit de l’horaire de leur prise qui est exclusivement nocturne, leur fréquence qui est en général de deux repas (rupture du jeûne: ftour, dîner et pour certains un troisième repas: le shour) et de leur qualité et quantité. On remarque en général une alimentation riche en protides et en lipides, avec une augmentation de la consommation de sucres à assimilation rapide et une consommation faible d’eau et de crudités. Le régime est également pauvre en légumes, fruits, avec une forte consommation d’excitants (thé, café, cigarettes, jus d’orange...).
Y a- t- il des modifications hormonales ?
Les modifications hormonales sont corrélées et parfaitement liées aux modifications métaboliques. En effet, pendant le jeûne, on assiste à une diminution de la sécrétion basale d'insuline, des hormones thyroïdiennes et des hormones sexuelles, alors que la synthèse du glucagon, de l'hormone de croissance et du cortisol augmente.
La fatigue est souvent ressentie de manière accrue pendant cette période, comment l’expliquer ?
Le manque de sommeil et son fractionnement ne permettent pas une récupération physique de l'organisme. Les fonctions cognitives telles que la mémoire et la concentration, sont également nettement diminuées. Ceci induit une réduction des performances psychiques et de la vigilance au cours de la journée et une augmentation de la somnolence diurne.
On note parfois l’apparition de maux de tête pendant la journée, à quoi sont-ils dus ?
Ceci est dû essentiellement au manque de sommeil et à la réduction de prise des excitants le jour. On note également une certaine irritabilité durant le mois du Ramadan avec un maximum au cours de la 4ème semaine de Ramadan et un retour à la normale au cours de la semaine qui suit le Ramadan.
Cette irritabilité n’est vraisemblablement pas liée au jeûne lui-même mais aux caractéristiques des personnes. En effet, elle augmente beaucoup plus chez les fumeurs, chez les sujets jeunes et chez les sujets qui consomment beaucoup d’excitants (café, thé).Enfin, les troubles du sommeil sont eux aussi incriminés dans l’apparition de l’irritabilité.
Peut-on faire le Ramadan lorsque l’on souffre de diabète, ulcère ou autres maladies ?
Certaines pathologies sont incompatibles avec le jeûne et en voici une Liste non exhaustive:
Diabète insulino-traité, diabète non insulino-dépendant déséquilibré, diabète avec complications dégénératives, diabète et grossesse, diabète gestationnel, diabète et allaitement, diabète avéré du troisième âge, quelque soit son type, diabète instable.
Ulcère gastro-duodénal en évolution et/ou en traitement de consolidation
(Bibliographie: Adil N., Hakkou F. Les thérapeutiques pendant le Ramadan. Les cahiers du médecin Tome I, n°6, Décembre 1997)
Les femmes enceintes doivent elles éviter de jeûner ? Y a t-il un risque pour l’enfant durant la grossesse ?
Le déséquilibre biologique occasionné par le jeûne peut rendre le déroulement de la grossesse difficile. Il est souhaitable que la future maman ne jeûne pas durant le premier trimestre. C'est une période importante pour l'embryogenèse cette période nécessite un état permanant d'équilibre biologique. Aussi quand une femme enceinte décide de jeûner, elle doit rester vigilante sur sa réelle résistance physique au jeûne.
En fin de grossesse, la maman a besoin également d'un état d'équilibre biologique lui garantissant suffisamment de force nécessaire pour affronter l'épreuve de l'accouchement. Aussi, le dernier trimestre de la grossesse est un moment ou la croissance fœtale est primordiale et le jeûne pourrait avoir des conséquences négatives sur le développement foetal.
En cas de grossesse pathologique, en plus du phénomène gravidique s'ajoute la maladie.
Dans l'ensemble le jeûne, pendant la grossesse n'est pas conseillé quelque soit la période.
Faut-il éviter la pratique d’un sport pendant cette période ?
Le jeûne réduit significativement la condition physique et les performances physiques sont nettement diminuées. Cette diminution est très nette dans les deux premières semaines avec un retour à la normale et une stabilisation par la suite témoignant d’un phénomène d’adaptation de l’organisme.
Il est plus raisonnable d’éviter une activité physique intense, surtout en fin de journée car elle peut être à l’origine d’accidents (malaise hypoglycémique) et avoir un impact négatif sur la santé des jeûneurs.
Est-il possible de suivre un traitement médicamenteux ? Comment l’adapter ?
Les malades soufrant d'une maladie chronique nécessitant un traitement au long court, doivent impérativement demander avis à leur médecin traitant afin qu'il puisse évaluer le degré de stabilisation de leur maladie et adapter, éventuellement, les posologies d'une médication décalée du fait du jeûne.
Les médicaments qui doivent être pris à jeun imposent une discipline alimentaire stricte avec une séparation nette des repas. En effet, un délai de 2h30 à 3 heures, est nécessaire à la mise en repos de l'estomac.
Comment manger ? Faut-il favoriser les féculents, les légumes… ?
- Une alimentation équilibrée en réduisant les lipides et les protides,
- une consommation en quantité raisonnable des sucres,
- Éviter également les féculents,
- Avoir un apport hydrique important en préférant les eaux minérales non gazeuses,
- Et Consommer des crudités des légumes et des fruits.
Quelle quantité d’eau faut-il boire ? Est-il dangereux de ne pas boire lorsque le Ramadan intervient en plein été ?
L'apport hydrique est primordial surtout l'été une vigilance particulière chez les personne âgées et chez les femmes enceintes qui s'obstinent à pratiquer le jeûne. Et il ne faut pas oublier que le Ramadan n'a nullement pour but de mettre en péril la santé des pratiquant et dès qu'on se sent en danger il faut boire.
Quels conseils pouvez-vous donner pour passer un Ramadan en douceur ?
Il faut manger équilibré:
- nécessité de répartir et espacer les prises alimentaires : ftour, dîner et shour. - La consommation modérée des sucres rapides qui seront autorisés à la rupture du jeûne et exceptionnellement entre les principaux repas.
- une hydratation suffisante assurée essentiellement par l'eau naturelle en évitant l'abus des boissons excitantes telles que le thé et le café.
- Le respect de l'horaire du sommeil est impératif en rappelant que la sieste ne compense pas les heures perdues la veille.
- La pratique d'un exercice physique modéré (marche, vélo ou natation) est recommandée à raison d'une demi heure par jour.
Voies d'administration et jeûne
Voies d'administration compatibles avec le jeûne du Ramadan
Médicaments compatibles selon (la Conférence Médico-religieuse de Casablanca 14-17 juin 1997)
a- Les voies d'administration compatibles avec le jeûne du Ramadan selon la totalité des participants:
Gouttes ophtalmiques
Injections sous-cutanées, intramusculaires et intra-articulaires
Injections intraveineuses à but curatif
Ovules gynécologiques et antiseptiques vaginaux
Crèmes, gels , pommades et patchs
Nitroglycérine par voie sublinguale dans le traitement de l'angor
Gargarisme et aérosol buccaux, dentifrice, bain de bouche à condition de ne pas avaler les produits utilisés
b- Les voies d'administration compatibles avec le jeûne du Ramadan, selon la majorité des participants:
Gouttes et aérosols nasaux
Aérosols broncho-dilatateurs (anti-asthmatiques)
Injections intra rectales, suppositoires
Dialyse péritonéales ou rein artificiel
Médicaments interdits
Les voies d'administration non compatibles avec le jeûne du Ramadan:
Voie orale
Injections intraveineuses à but nutritif
Médications, actes et examens qui n’altèrent pas le jeûne du Ramadan
(la Conférence Médico-religieuse de Casablanca 14-17 juin 1997)
- Toucher vaginal fait par un médecin ou une sage-femme
- Toucher rectal
- Prélèvements sanguins pour examen biologique
- Prélèvement de tissus hépatiques ou d’autres organes
- Anuscopie
. Actes :
- Fibroscopie, sans introduction de liquide ou d’autres substances
- Colposcopie
- Lavage auriculaire
- Lavage vaginal
- Lavage vésical
- Utéroscopie ou pose d’un stérilet
- Sonde urétrale, endoscopie urétrale et administration de produits de contraste
- Soins dentaires, extraction dentaire, brossage de dents (à condition de ne pas avaler)
- Utilisation de sonde pour visualiser les vaisseaux cardiaques ou tout autre organe
- Coelioscopie pour examens des organes abdominaux ou pour acte chirurgical sur ces organes
Bibliographie: Fondation Hassan II pour la recherche scientifique et médicale sur le Ramadan. Prescription médicamenteuse pendant le Ramadan. Les cahiers du médecin Tome VI
Références:
1- Pr Jamal-Dine Bensouda " Diabète et Ramadan" l'officinal N° 41
2- Dr Salwa Nadir "Gastrologie et Ramadan" l'officinal N° 41
3- Pr Saâd Soulami "Cardiologie et Ramadan" l'officinal N° 41
4- Pr Amal Bourquia "Néphrologie et Ramadan" l'officinal N° 41
5- Dr Saâd Agoumi " Gynécologie et Ramadan" l'officinal N° 41