DIABÈTE TYPE I CHEZ L'ENFANT :
UN DÉFI POUR LA COMMUNAUTÉ MÉDICALE MONDIALE 

Dr Khadija Moussayer Spécialiste en médecine interne - Présidente de l’Association Marocaine des Maladies Auto-immunes et Systémiques AMMAIS

Il est bien connu que l’augmentation de l’obésité dans le monde a entrainé celle du nombre de personnes atteintes du diabète de type 2 dit gras ou de la maturité.
Ce que l’on sait moins, c’est que le diabète juvénile, appelé plus scientifiquement diabète de type 1 ou insulino-dépendant, concerne 10 % des diabétiques et progresse partout dans le monde avec un taux annuel d’environ 3%. Dans certains pays comme la Finlande (pays le plus touché au monde avec un taux de prévalence de 64/100000), on s’attend même à un doublement du nombre de ces diabètes dans les 15 ans. De plus, alors que traditionnellement ce type, qui touche presque exclusivement les enfants et les adolescents, se manifestait en général entre 10 et 14 ans, il concerne maintenant de plus en plus d’enfants en bas âge. Ainsi en France, parmi ceux qui ont leur premier diagnostic, on compte maintenant  25 % d’enfants entre 0 et 4 ans, environ 30 % entre 5 et 9 ans et près de 40 % entre 10 et 14 ans.

C’est un défi considérable pour les jeunes et leurs familles comme pour les médecins quand on sait que ces « nouveaux » malades auront  durée de vie plus longue avec la maladie. De plus certains verront leur sort aggravé avec l’apparition d’autres maladies auto-immunes comme la maladie cœliaque, la pathologie la plus fréquemment associée de par un terrain génétique identique.

On rappellera que le diabète de type 1 provient de la destruction par notre système immunitaire des cellules du pancréas  (les cellules bêta des îlots de Langerhans)  qui produisent l’insuline, une hormone chargée de réguler la quantité de sucre dans le sang. Le système immunitaire est normalement chargé de traquer et d’éliminer les corps étrangers (virus, bactéries…) mais là, il se retourne contre notre propre organisme, aboutissant à cette maladie auto-immune. Pour remédier à cette destruction, il n'y a alors qu'une solution : les injections d'insuline à vie.

Une prédisposition héréditaire à cette maladie

La communauté médicale s’interroge actuellement sur la progression de cette pathologie. On sait d’abord qu’il existe une certaine prédisposition génétique à sa survenue (qui accroît sa probabilité chez un enfant dont l’un des parents ou grands-parents en est déjà atteint).

Cette prédisposition dépend notamment de notre complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) : notre carte d’identité biologique et pierre angulaire du système immunitaire. Le CMH encore appelé système HLA (Human leukocyte Antigen) est le principal marqueur du soi. C’est un groupe de molécules constituant l’identité biologique d’un individu, une sorte de code-barres  situé à la surface des cellules de notre corps. Chaque cellule (sauf les globules rouges).renferme entre cinq cent mille et un million de molécules de ce complexe dont elle expose à l’extérieur de sa  membrane son contenu  pour qu’il soit reconnu par les cellules immunitaires comme appartenant au « soi » ou au « non-soi ». Or, on sait que certains de ces éléments retrouvés dans une partie des populations, en particulier différents haplotypes HLA DQ, augmentent la probabilité d’un déclenchement de réaction immunitaire perturbant l’immuno-régulation et provoquent – au travers d’un processus auto-immun – un dysfonctionnement progressif de la sécrétion d’insuline.

Cette cause seule ne suffit pas à expliquer cette « épidémie ». D’autres facteurs environnementaux sont actuellement de plus en plus suspectés et on se demande si ces facteurs n’exercent pas leur influence durant la grossesse, puisque de plus en plus d’enfants en bas âge sont atteints.

Une cause infectieuse

Des agents infectieux pourraient en être la cause : des bactéries, les streptomyces présents dans les tubercules de plantes comme la pomme de terre, exercent ainsi une toxicité à l’encontre des cellules productrices d’insuline dans le pancréas. Une étude scientifique en 2008 a montré une relation entre la consommation de pommes de terre pendant la grossesse et un développement de réactions (qualifiées d’auto-immunes) contre ces cellules, augmentant ainsi le risque d’être atteint de ce type de diabète.

Un excès d’hygiène

L’excès d’hygiène est également mis en avant : nous essayons au maximum, à juste raison, de mettre les bébés à l’écart de la poussière, de la saleté, des bactéries ou des parasites. Cela a permis de mieux les protéger de beaucoup de maladies et de mettre fin à la forte mortalité infantile des siècles précédents. Le problème est maintenant que la « propreté aseptisée » de l’espace autour d’un enfant empêche son système immunitaire d’apprendre à reconnaître les ennemis dont il doit nous défendre normalement (virus ou bactéries) : les cellules immunitaires, par manque de maturité, sont en quelque sorte désorientées et s’attaquent par erreur à notre corps. Tandis qu’on assiste à la disparition progressives des infections classiques de la petite enfance, telles que les oreillons, la rougeole, l’hépatite A et la tuberculose, on observe à l’opposé un accroissement des maladies allergiques et auto-immunes comme l’asthme ou le diabète de type 1. La solution, ce serait de permettre aux bébés et aux jeunes enfants de se salir « un petit peu » pour mieux éduquer les défenses de leur organisme et  mieux régir ensuite à leur environnement.

Un manque de vitamine D

Un apport insuffisant en vitamine D, enfin, augmenterait le risque de diabète de type 1 pendant l’enfance. Son accroissement est en effet prouvé dans les régions (comme les pays nordiques) où l’exposition au rayonnement ultraviolet B et l’approvisionnement en vitamine D sont faibles.

Rappelons qu’un apport quotidien suffisant nécessite une alimentation riche en vitamine D combinée avec une exposition au soleil de la peau. La vitamine D provient de deux sources :

- la première est sa fabrication par l'organisme grâce à la transformation du cholestérol sous l'action des rayons du soleil (rayons ultraviolets) en une vitamine D ;

- la seconde grâce à l'alimentation : les produits qui en contiennent sont principalement le lait et les produits laitiers non écrémés, l'huile de foie de morue, le foie de poissons maigres, les poissons gras et l'œuf (plus précisément le jaune).

Nous bénéficions heureusement au Maroc d’une exposition au rayonnement UVB plus élevée et la progression du diabète de type 1 paraît encore moins forte que dans les pays de l’autre côté de la Méditerranée,  mais jusqu’à quand ?

Des avancées très prometteuses dans la recherche sur le diabète en  2011

Au delà de ces inquiétudes sur l’avenir des jeunes générations, on se doit de signaler des motifs d’espoir, grâce aux dernières avancées de la science.

Des chercheurs français ont ainsi réussi cette année à créer les premières lignées de cellules bêta pancréatiques humaines fonctionnelles, capables de produire de l'insuline. Cette découverte va permettre de mieux étudier en laboratoire le fonctionnement exact de ces cellules pour mettre au point les thérapies utiles.

Une grande première enfin a eu lieu, fin octobre, à la fois au Centre hospitalier universitaire de Montpellier et à Padoue en Italie : Des chercheurs ont non seulement mis au point un pancréas artificiel mais ils l’ont aussi implanté sur deux patients. Cet appareil est constitué d’un capteur sous-cutané qui mesure en permanence le taux de glycémie du patient, et d’une pompe à insuline, pas plus grosse qu’un « Smartphone », qui injecte, lorsque c’est nécessaire, l’hormone. L’enjeu maintenant de cette découverte est de faire passer son autonomie, de quelques heures actuellement à plusieurs jours, voire plusieurs semaines, ce qui révolutionnerait la vie des diabétiques.

Sites utiles :
- Association française « l’aide aux jeunes diabétiques » – AJD
- Association Française des diabétiques – AFD
- Fédération Marocaine de diabète

Références:
- Observatoire national diabète enfant et adolescent de l'association Aide aux jeunes diabétiques (AJD),
- Harjutasalo V, Sjöberg L, Tuomilehto J. Time trends in the incidenceof type 1 diabetes in Finnish children: A cohort study. Lancet, 2008;371:1777–82.
- Hettiarachchi KD, Zimmet PZ, Myers MA. Dietary toxins, endoplasmic reticulum (ER) stress and diabetes. Curr Diabetes Rev, 2008;4:146–56.
- Lamb MM, Myers MA, Barriga K, Zimmet PZ, Rewers M, Norris JM. Maternal diet during pregnancy and islet auto - immunity in offspring. Pediatr Diabetes. 2008;9:135–41.

 

 

Mots-clés : santé publique, endocrinologie, médecine interne, pédiatrie, diabète type 1, enfants, génétique, hygiène, nutrition, vitamine D, AMMAIS

 

 

 

Pharmacies.ma - 16 novembre 2011