Article N° 7422

AVENIR DE LA PHARMACIE

Seule la pharmacie marocaine pourrait disparaître ?

Abderrahim Derraji - 11 août 2022 17:24

Lors de la cérémonie de remise de diplômes, qui s’est tenue le 18 juillet 2022 à L’Université Mohammed VI des Sciences de la Santé (UM6SS) à Casablanca, Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, a prédit que «La pharmacie d’officine n’existera plus dans 10 ans, maximum 15 ans» avant de nuancer ses propos en précisant que les  universités «devraient “penser” à ce que sera le pharmacien de demain. L’officine en tant que telle va changer».

En tenant un tel discours, cet ancien président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech a dû certainement sous-estimer l’impact que pourraient avoir les termes qu’il a utilisés sur le moral des étudiants en pharmacie, et même sur celui des milliers de pharmaciens qui ont choisi cette profession pour être au service de leurs concitoyens, particulièrement ceux qui vivent dans des régions où la pharmacie reste, et restera probablement, le seul espace de santé qui leur est accessible. 

Ce qui est étonnant, c’est que la plupart des experts s’accordent, à travers le monde, sur le fait que le rôle du pharmacien dans le parcours de soins va plutôt se renforcer dans les années à venir.
En effet, la population de plus en plus vieillissante, la prévalence des maladies chroniques et l’inadéquation entre le nombre des médecins et les besoins en soins, ont poussé de nombreuses nations à revoir le rôle du pharmacien en l’impliquant davantage dans la prise en charge des malades chroniques, la vaccination, la réalisation des TROD (Test rapide d’orientation diagnostique), etc.

Ces missions ne sont qu’à leurs premiers balbutiements. Les pharmaciens français ou canadiens voient leur profession prendre de l’importance d’année en année ce qui ne les empêche pas d’entamer une mutation lente et sûre pour s’adapter à la digitalisation progressive qui s’invite dans tous les secteurs.Il semble de ce fait évident que le pharmacien continuera à rendre de loyaux services à travers tous les pays qui ont à cœur de valoriser son rôle.La pharmacie au Maroc dont la disparition semble impensable risque malheureusement de voir son avenir s’assombrir, non pas par ce que le pharmacien sera remplacé par un robot dernier cri, mais plutôt parce que personne ne «calcule» la profession pharmaceutique, comme l’a écrit un pharmacien désespéré sur les réseaux sociaux. Il n’y a qu’à voir les recommandations émanant de la commission mixte qui a réuni, 3 mois durant, toutes les composantes de la profession et des représentants du ministère de la Santé. Depuis le départ d’Anas Doukkali, les recommandations de cette commission ont été classées sans suite.

Aussi, pour que la profession puisse évoluer et ne pas «disparaître», il faut garantir certaines conditions qui ne peuvent être réunies sans une volonté avérée de l’administration, d'autant plus que les Conseils de l’Ordre connaissent de graves dysfonctionnements.

Normalement, l’administration aurait pu, et même dû procéder à la dissolution des conseils comme le prévoit le Dahir de 1976, mais elle ne l’a toujours pas fait !
En faisant de la sorte, elle prive la profession d’une instance qui jouit de larges prérogatives comme l’octroie des autorisations d'exercer la pharmacie et la régulation de la profession. Le Conseil de l'Ordre donne également son avis sur tous les projets de texte de loi et pourrait aussi contribuer à la mise en place de la formation continue, voire lancer des études dont on a tant besoin pour préparer la pharmacie de demain.

Privé de cette instance, aucune évolution de la profession ne peut être envisagée surtout que tout laisse à croire qu'il y a une volonté manifeste de marginaliser le pharmacien d'officine.

In fine, avec tout ce qui s'y passe, on ne peut certainement pas prédire ce que sera le monde dans un an ou deux et encore moins dans 10 ans, mais une chose est sûre, tant qu'on continuera à soigner les malades avec des médicaments, on aura toujours besoin du pharmacien, le seul vrai spécialiste du médicament…

Source : PMA