Article N° 7287

ACCESSIBILITÉ AUX PRODUITS DE SANTÉ

Covid-19 : l'autosuffisance n'a pas de prix !

Abderrahim Derraji - 24 janvier 2022 06:16

Comme nous l’avions indiqué dans le numéro 518 de PharmaNews dont l’éditorial s’intitulait «Pas de chance, pas de médicament!», le laboratoire Novartis avait annoncé en 2020 son intention d’offrir Zolgensma®, un traitement qui coûte 1,9 million d'euros, pour cent bébés condamnés qui seront tirés au sort. Le laboratoire helvétique a justifié cette «loterie» par un souci d’équité permettant de ne pas favoriser un enfant ou un pays au détriment d’un autre.

Cette «loterie» refait à nouveau surface et cette fois-ci au Canada. où le Réseau de santé de Scarborough (SHN), dans l’est de Toronto, va l’utiliser pour déterminer qui parmi les malades en soins intensifs pourra accéder à certains médicaments «cruciaux» contre la Covid-19.

Généralement, les hôpitaux utilisent la déxamethasone pour prendre en charge les patients affectés par des formes sérieuses de la Covid-19, mais dans certains cas graves, les équipes soignantes ont recours au tocilizumab (Roactemra®) ou au sarilumab (Kevzara®). Ces deux spécialités pharmaceutiques sauvent environ 5 % des patients qui y ont accès comme l’a indiqué à RadioCanada (1) le Dr Martin Betts, directeur médical des soins intensifs au SHN. Ce dernier a également précisé que les hôpitaux ont du mal à s’en approvisionner en raison de la forte demande qu’ils connaissent à travers le monde, particulièrement depuis l’apparition du variant Omicron. Les soignants se trouvent, de ce fait, dans l’obligation de trouver un moyen pour savoir à quels patients bénéficieront de ces médicaments. Afin d'éviter les biais implicites qui ne pèsent pas dans la sélection des patients à traiter, et sur recommandation du Groupe consultatif scientifique sur la Covid-19 de l’Ontario, les hôpitaux de Scarborough appliquent un tirage au sort évitant ainsi aux soignants la lourde responsabilité d’avoir à départager leurs patients.

D’autres médicaments comme le remdésivir (Veklury®) et le sotrovimab (Xevudy®) connaissent également des problèmes d’accessibilité. Il y aurait même des doutes concernant l’approvisionnement en Paxlovid® (nirmatrelvir/ritonavir). Les patients qui recevront ce traitement pourraient être priorisés d’après le Dr Jérôme Leis, du Centre des sciences de la santé de Sunnybrooke.

Ces exemples nous interpellent, et si dans les pays riches l'accessibilité ne concerne que certaines thérapies particulièrement onéreuses, dans les pays à faible revenu, des patients peuvent voir leur chance de survie s’amenuiser par ce qu’ils n’ont pas accès à des traitements basiques, une oxygénothérapie ou des vaccins. Avant la pandémie, les raisons étaient essentiellement d’ordre économique, mais aujourd’hui, la forte demande que connaissent les produits de santé a aggravé la situation. La solidarité tant prônée par l’Organisation mondiale de la Santé a fait place à un environnement où règne la dure loi du «chacun pour soi».

Pour conclure, et eu égard à la situation sanitaire mondiale, toutes les nations devraient mettre en place les mécanismes nécessaires leur permettant de garantir l’autosuffisance en produits de santé.
(1) RADIO-CANADA

Source : PharmaNews