Article N° 6109

Pharmacie

Pharmacie : entre délivrance et dispensation !

Abderrahim DERRAJI - 27 août 2018 21:41

La loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie définit , dans son article 29, la dispensation comme étant l’acte pharmaceutique qui consiste en « la délivrance d'un médicament ou d'un produit pharmaceutique non médicamenteux associée à l'analyse de l'ordonnance ou de la commande les concernant ; la mise à disposition du public des informations nécessaires au bon usage des médicaments et des produits pharmaceutiques ainsi que les actes liés aux conseils préventifs ; à l'éducation pour la santé et le conseil lié à l'utilisation d'un médicament dont la dispensation n'est pas légalement soumise à la nécessité de fournir une ordonnance médicale.»£Par une telle définition, le législateur fait clairement le distinguo entre une simple délivrance qui pourrait presque être assimilée à un acte commercial et la dispensation. Cette dernière, exige du pharmacien une évaluation de la pertinence des traitements envisagés avant de les remettre au patient. La bonne utilisation du médicament et la sécurité de ses usagers doivent constituer la préoccupation majeure du pharmacien.

Malheureusement, l’automédication « sauvage » a tendance à remplacer une médication officinale responsable en phase avec les textes qui régissent la profession et les recommandations formulées, entre autres, par les sociétés savantes.

Cette automédication « sauvage » est plus fréquente chez les patients ne disposant pas de couverture médicale. Il n’est pas rare que des patients essayent de se procurer une liste de médicaments à prescription obligatoire parce qu’elle leur a été prescrite par le passé, ou tout simplement parce qu’un proche ou un internaute en a vanté les mérites !

Le pharmacien doit faire face à un environnement où le recours aux médicaments à prescription obligatoire est de plus en plus banalisé. Certains pharmaciens refusent de céder aux désidératas des malades, mais malheureusement, ils sont souvent pénalisés parce qu’un grand nombre de malades préfèrent les pharmaciens « compréhensifs » !

Ce qui complique la tâche aux officinaux, c’est l’anachronisme qui prévaut entre la les textes régissant la profession, notamment le Dahir de 1922 et la réalité de la pratique officinale. À titre d’exemple, la plupart des pharmaciens marocains ont bénéficié d’une formation qui leur a permis de contribuer à la réussite de la planification familiale. Paradoxalement, les contraceptifs oraux appartiennent au tableau « A », ils ne peuvent, de ce fait, être dispensés sans une prescription médicale récente. Il en est de même pour la contraception d’urgence !  Faut-il le rappeler, dans de nombreux pays, la législation permet au pharmacien, aujourd’hui, le renouvellement des contraceptifs oraux et la délivrance de la pilule du lendemain.

Pour lutter contre ces contradictions qui empêchent le pharmacien de prodiguer son savoir sans être hors la loi, un délistage pourrait être envisagé pour certaines spécialités. Mais la priorité des priorités est de mener une réflexion dont la finalité serait d’optimiser et de sécuriser la dispensation du médicament. Dans le cas contraire, d’autres acteurs qui lorgnent sur la vente du médicament, finiront par faire regretter aux pharmaciens d’avoir laissé la simple délivrance prendre le pas sur une dispensation faite dans les règles de « l’art ».

Source : PHARMANEWS